Au rayon yaourt de votre supermarché, vous vous êtes peut-être demandé si on vous prenait pour une vache à lait : le pot de yaourt, souvent à acheter à l’unité, est vendu entre 1 et 3 dollars pièce. Pour le même prix, en France, vous aurez un pack de douze – oui, douze – yaourts nature (1,67 euros chez Auchan) ou aux fruits (2,89 euros).
Plusieurs raisons expliquent ces différences. Tout d’abord, le lait. Aux Etats-Unis, les producteurs de yaourts sont soumis à des tarifs fixés par le gouvernement fédéral ou, dans certains cas, par les Etats. Il existe plusieurs catégories de lait (la classe I est le lait que l’on boit, et la classe II est celui utilisé pour les yaourts etc.).“Ce qu’il faut retenir, c’est que nous payons le lait pour faire des yaourts plus cher qu’en Europe”, affirme Michael Neuwirth, directeur des relations publiques chez Danone USA.
Ensuite, les spécificités du marché. Aux Etats-Unis, on aime les préparations très protéinées. Presque inexistants il y a 10 ans, les yaourts grecs (qui n’ont rien à voir avec ceux que l’on trouve en France) ont envahi les rayons, et comptent pour 52% des ventes de yaourts aux Etats-Unis. “Ce sont des yaourts qui peuvent remplacer un repas. Avec un taux très fort en protéines, ils donnent une sensation de satiété qui dure longtemps”, explique Kai Sacher, directeur R&D chez Chobani, leader du marché du “grec”.
Ce type de préparation – épaisse, dense, peu grasse – requiert trois fois plus de lait qu’un yaourt normal. D’où des prix plus élevés. “D’ailleurs, les yaourts Danio [le yaourt grec à l’américaine de Danone], arrivés sur le marché français l’année dernière, sont vendus à l’unité à un prix de 0,8 euros. Ce n’est pas si différent”, relève Thierry Saint-Denis, directeur R&D chez Danone USA.
Autre explication à cette différence de prix: le packaging. Les pots individuels américains sont plus gros. La taille standard est de 150 grammes, contre 125 grammes pour un yaourt classique français. Certains pots font même 170 grammes.
Enfin, les yaourts vendus à l’unité intègrent des coûts supérieurs pour le fabriquant que lorsqu’ils sont transportés et distribués en packs de huit ou de douze.
Pourquoi sont-ils vendus à l’unité ?
Pourquoi d’ailleurs, les yaourts sont-ils vendus un par un ? C’est une habitude culturelle : les Américains consomment peu de yaourts. Moins d’un par semaine – pas besoin de faire des stocks. Et nombre d’Américains n’en consomment jamais. A côté, les Français sont parmi les plus gros mangeurs de yaourts au monde, avec 30 kilos par personne et par an (soit presque un pot par jour).
En outre, si les Français les consomment chez eux, le matin ou en dessert, les Américains, eux, les mangent essentiellement pour le petit déjeuner ou à l’occasion d’un snack. Dans ce cas, il l’achètent souvent à emporter, pour une consommation immédiate – d’où les ventes à l’unité.
Pourquoi ont-il un goût différent ?
“Traditionnellement, le yaourt n’est pas un élément incontournable du régime alimentaire américain”, remarque Thierry Saint-Denis. “En France, les yaourts sont mangés par les bébé dès six mois. C’est une des premières choses que les petits Français mangent dans leur vie. C’est un goût que tout le monde connait. Aux Etats-Unis, les enfants goûtent bien souvent aux yaourts vers 6 ou 7 ans. Souvent, cela leur parait acide, aigre, fermenté. C’est un goût polarisant.”
C’est pour cela, notamment, que les yaourts aux Etats-Unis sont souvent plus sucrés qu’en France, afin de contrebalancer ces différences de palais. Ils ont aussi moins de matière grasse, un facteur très important pour les consommateurs américains. Tandis que les yaourts “nature” sont peu répandus. “Les yaourts ‘nature’ sont essentiellement utilisés dans les recettes de cuisine, en remplacement de la crème, ou dans les smoothies. Presque personne ne mange un yaourt ‘nature’ pour lui-même”, note Thierry Saint-Denis.
Un constat partagé par Kai Sacher, de Chobani. “Les Américains aiment avoir un yaourt prêt à manger, déjà sucré. C’est plus pratique, surtout lorsqu’on les prend à emporter. Alors qu’en France, les gens aiment les préparations nature et y ajoutent leur sucre, leur confiture, ou des céréales. Mais cela change. C’est une niche, mais elle grandit, et nous essayons de promouvoir cela.”