Le Pew Research Center estime qu’un tiers des Américains de moins de 30 ans a un emprunt étudiant à rembourser. Et pour cause, en moyenne, une année dans une université privée américaine coûte $35,676. Pourquoi l’éducation supérieure américaine est-elle si chère ? C’est la question bête de la semaine.
On distingue tout d’abord trois types d’universités : les publiques, financées principalement par l’État dans lequel elles se trouvent; les privées à but non-lucratif, soutenues par les frais de scolarité des élèves et des fonds privées; et les privées à but lucratif, détenues par des entreprises privées et des investisseurs dont l’objectif est de dégager du profit.
La plupart des étudiants américains choisissent de poursuivre leurs études dans des universités publiques: elles sont jusqu’à cinq fois moins chères que les privées. Par exemple, une année à la City University of New York (CUNY) coûte $6,900 contre $51,000 dans une université réputée comme Stanford. Problème : Les États subventionnaient moins ces institutions en 2017 qu’ils ne le faisaient en 2008.
“En moyenne, tout type d’université confondu, les frais ont augmenté à une vitesse dépassant l’inflation. Aux États-Unis, les prix de nul autre bien ou service n’augmentent de la même façon que ceux de l’éducation supérieure”, s’indigne Frank Wu, ancien doyen de University of Californa Hastings College of the Law et auteur de plusieurs articles sur la question. Le professeur émérite l’explique notamment par l’apparition des classements de US News and World Report dans les années 1980. Ces derniers sont devenus très populaires auprès des étudiants et de leurs parents. Les universités ont commencé à les regarder de très près et à faire en sorte d’améliorer en permanence leur position pour continuer à attirer toujours plus d’étudiants. “Si une institution rivale construit un nouveau bâtiment, commence à mieux payer ses professeurs et à mettre en place de nouveaux services pour recruter des étudiants prometteurs, il faut rivaliser avec cette école et proposer une qualité supérieure ou égale. Ces nouvelles dépenses sont transmises aux élèves via leurs frais de scolarité, décrit Frank Wu, qui a été confronté à cette situation en tant que doyen d’université. Aucun dirigeant, aucune école, n’a le pouvoir de résister à cette influence”.
Le classement de US News and World Report fait débat. En effet, le coût de l’institution est un facteur peu significatif pour ce média. Pourtant, d’autres systèmes d’évaluation se concentrent davantage sur le rapport qualité/prix. “CUNY est toujours très bien classée car elle est très abordable et en même temps, fidèle à sa mission”, raconte-t-il.
Damon Morales, étudiant à Utah Valley University a réfléchi à deux fois avant de s’inscrire à l’université. Au lieu de payer pour un cursus de quatre ans dans le même établissement, il a passé deux ans dans un community college (un type d’université plus abordable qui délivre un diplôme en deux ans) puis a rejoint le cursus classique pour sa troisième et quatrième année. Ces deux premières années lui ont permis de travailler et de mettre de l’argent de côté pour se payer le reste de ses études et ne pas avoir d’emprunt à rembourser.
Malheureusement, beaucoup d’étudiants s’engagent immédiatement dans un cursus de quatre ans et une majorité a besoin de recourir à l’emprunt. “Tout le monde se dit que quel que soit le diplôme, quelle que soit l’école, ça en vaut la peine. Mais ce n’est pas vrai, certaines études n’ont pas un retour sur investissement positif”, se désole Frank Wu. C’est ce que voulait éviter Damon Morales, qui veut devenir pilote de ligne : “les personnes qui se plaignent d’avoir des dettes sont celles qui ont un diplôme qui ne rapporte pas beaucoup d’argent”.
Comme de plus en plus de jeunes Américains souhaitent être diplômés d’un college, la demande augmente et les coûts également. “Même si on n’est pas forcément bon élève, beaucoup de diplômes sont accessibles. Par contre, ceux qui rapportent le plus d’argent sont les cursus scientifiques, de médecine ou d’ingénierie. Globalement, les domaines d’études pour lesquels les universités ont été créées à l’origine”, explique Frank Wu.
Pour essayer de limiter les dépenses de leurs élèves, la plupart des universités proposent un soutien financier. Selon Frank Wu, ces aides prennent de plus en plus en compte le mérite. “Maintenant, les écoles regardent les notes et les évaluations parce qu’elles veulent recruter les meilleurs étudiants pour les aider à améliorer leur position dans les classements, analyse l’ancien directeur d’université. La question est de savoir ce qui est convenable de faire: se baser sur les besoins financiers ou sur les notes ?”.