Cele ne vous viendrait pas à l’esprit d’aller faire vos courses en t-shirt “I Love Carrefour” ou “Monoprix Forever”. À Wegmans, c’est une autre histoire.
Derrière ce nom, que vous n’avez jamais entendu sauf si vous habitez Upstate New York ou en Pennsylvanie, se cache un supermarché auquel les clients vouent une passion sans borne. La presse new-yorkaise a pu le mesurer lors de l’ouverture du premier Wegmans new-yorkais fin octobre, au sein du Brooklyn Navy Yard, quartier dépourvu de grandes surfaces malgré sa renaissance ces dernières années.
Le New York Times l’assure: Wegmans est “un objet de culte“. La journaliste du New Yorker qui a fait la queue sous la pluie à l’aube de l’ouverture avec des milliers d’autres “Wegmaniacs”, surnom donné aux fans de l’enseigne, évoque “une passion peu commune”. “Certaines personnes vont au Super Bowl, d’autres au Tour de France. Moi, je vais à l’ouverture de Wegmans“, a confié pour sa part une fan au site d’information Business Insider.
L’aventure Wegmans a commencé en 1916 à Rochester, ville perchée dans le nord de l’Etat de New York. Toujours dirigée et possédée par la famille qui l’a créée, la marque a rapidement fait tache d’huile dans le nord-est américain, se développant en banlieue des grandes villes. Son secret: des surfaces énormes remplies de produits organiques, un service clientèle chaleureux et efficace, une promesse de prix bas et une très bonne image corporate. Wegmans donne près de 7 millions de kilos de nourriture à des banques alimentaires et des associations chaque année et dépense environ 50 millions de dollars tous les ans pour la formation et le perfectionnement de son personnel. Cerise sur le gateau: elle est l’un des seuls acteurs de la grande distribution à prendre en charge les frais de scolarité engagés par ses employés. En 2019, le magazine Fortune l’a nommé troisième “meilleur endroit où travailler” aux Etats-Unis. D’autres classements et enquêtes d’opinion la placent parmi les marques les plus appréciées des Etats-Unis.
Mais ce qui a séduit les “suburbs” marchera-t-il à New York, où la concurrence de Trader Joe’s, Whole Foods et autre Fairways est féroce ? Wegmans arrive avec un fort capital sympathie, et la promesse de créer 500 emplois dans un coin de Brooklyn où les bureaux côtoient les logements sociaux. Le supermarché en lui-même n’a rien d’extraordinaire de prime abord. Wegmans se targue d’offrir 2 000 produits organiques en magasin, mais beaucoup ressemblent à ce que l’on trouverait chez la concurrence, avec des discounts en plus.
À la différence de sa boucherie-charcuterie minuscule, sa poissonnerie et son espace boulangerie sont assez importants (comptez 3,50 dollars la baguette au passage). La fromagerie propose plusieurs produits européens, dont du fromage à raclette suisse vendu à 7 dollars en tranches. Un bar à salades et plusieurs points de restauration (pizza, sushis…) se trouvent au rez-de-chaussée, juste en dessous d’une salle de restauration et d’un bar à l’ambiance tamisée qu’on appellerait “romantique” si l’on n’était pas dans un supermarché. Comme dans les autres magasins, un train électrique miniature circule au-dessus du rayon des produits laitiers.
Les fans de Wegmans auront noté l’absence d’un stand pour ses fameux sandwiches, réputés pour être très généreux et faits sur place, mais ils ont tout naturellement lancé une pétition sur Change.org pour corriger cette faute grave.
Lors de notre visite, lundi en fin de journée, il y avait plus de clients paumés que de “Wegmaniacs”. “J’étais en train de texter un ami pour savoir ce qu’on pouvait trouver de bien ici“, raconte Gregory Smith, qui n’avait jamais entendu parler de Wegmans avant l’ouverture. Pour le moment, la magie n’opère pas sur cet ancien employé du Navy Yard. “J’ai l’impression de faire mes courses dans une ambiance de banlieue pavillonnaire, dit-il en référence aux longues allées et au parking de 700 places à l’extérieur. Je ne sais pas si c’est une bonne chose pour le quartier. Je ne suis pas fan de ce genre d’endroits dans une grande ville“.
Paul, qui habite aux abords du Navy Yard depuis vingt ans, est venu voir de lui-même “pourquoi tout le monde parle de cet endroit“. “Des amis d’Upstate m’ont encouragé à y aller en me disant que c’était une institution, mais je ne comprends pas pourquoi tout le monde s’excite”, avoue-t-il. Le New-Yorkais ne se laisse pas impressionner facilement, même par Wegmans.