Croquer dans un sandwich avec son café sur les genoux tout en tenant le volant dans une main est un exercice périlleux, mais qui est relevé tous les jours par une grande partie des Américains. En parallèle, depuis l’épidémie du Covid en 2020, les chaînes de restauration rapide redoublent d’innovation pour attirer les consommateurs. Selon une étude menée par l’institut de recherche Technomic et publiée par le New York Times les ventes en drive-through ont bondi de 30% entre 2019 et 2022. Pourquoi manger (et boire) dans sa voiture est si courant aux États-Unis ? C’est la question bête de la semaine.
Transport privilégié des Américains, la voiture fait partie intégrante de la vie des citoyens depuis l’urbanisation du pays, il y a plus de 70 ans. « Les gens aiment passer du temps seul dans leur voiture », affirme Kim Severson. Journaliste au New York Times et spécialisée dans l’écriture culinaire, la lauréate du prix Pulitzer a signé un article sur la croissance des drive thru aux États-Unis. « La voiture est un espace commun aux États-Unis. C’est même devenu un endroit tendance avec l’avènement des réseaux sociaux. C’est cool de se rendre dans un drive-thru, de commander une boisson et de poster une vidéo en ligne », ajoute la journaliste.
La relation des Américains avec les drive-through, aussi surnommés drive-thru, remontent aux années 1950. En 1948, le tout premier drive-in est créé en Californie. Ancêtre du drive-tru, le drive in est considéré comme une idée novatrice à l’époque. Il faut conduire sa voiture dans un couloir, descendre sa vitre et commander son repas en restant confortablement assis sur son siège. Peu cher et pratique, la restauration rapide séduit jusqu’aux personnalités politiques. Lors de la campagne présidentielle de 1960, Robert F. Kennedy se fait prendre en photo assis sur le capot d’une décapotable bleue pendant qu’il dévore un hamburger. Aujourd’hui, le drive-tru a remplace le drive in. La différence : une fois la commande prise, l’automobiliste mange son repas dans sa voiture.
« Je ne connais personne qui se lève le matin en pensant à manger dans sa voiture. Ce n’est pas quelque chose que les gens organisent et planifient comme ils le font pour un restaurant. Je ne pense pas non plus que ce soit un plaisir, c’est avant tout une commodité », nuance Jessica Sylvester, diététicienne et fondatrice de Nutrition Group LLC basée en Floride. « Les Américains ont souvent 20 minutes de pause pour manger le midi, ils n’ont pas le temps, ni parfois l’envie de cuisiner » ajoute-t-elle. Une explication partagée par Kim Severson : « Les Américains vont au restaurant pour le plaisir », affirme la journaliste, qui estime que le pays ne s’est toujours pas sorti de l’isolation post-Covid. « D’un côté, les consommateurs veulent retourner au restaurant, mais d’un autre côté, les gens n’ont pas forcément envie de se retrouver ensemble aux supermarchés ou en mangeant rapidement. La voiture est donc un espace sûr ».
Que ce soit par manque d’argent, par commodité pour son travail, pour rester seul, ou tout simplement pour se dépêcher, commander son repas dans sa voiture est devenu une action revendiquée sur les réseaux sociaux. Les grandes marques de restauration rapide l’ont bien compris et regorgent de spots publicitaires et d’innovations pour encourager les consommateurs à emporter leur repas dans leur véhicule et le partager sur la Toile. Partout, il est possible de consommer « On the move », en se déplaçant Il existe même des gadgets uniques, comme des plateaux-repas qui s’accrochent au volant de sa voiture, des portes gobelets ou encore des portes sauces à accrocher sur les ventilateurs de la voiture.
« Aujourd’hui, tout est digital. Il n’y a aucune raison de s’asseoir à une table seul et entouré par des étrangers lorsque l’on peut rester dans le confort de sa voiture », surenchère Jessica Sylvester en faisant référence aux problèmes d’insécurité dans les lieux publics. Reste que manger et boire dans sa voiture n’est pas sans risques. En 1994, une célèbre franchise de fast-food américain fut condamnée à verser 2,8 millions de dollars à une consommatrice qui s’était brûlée en renversant son café dans sa voiture.