D’abord Marseille, puis Toulouse, et encore Lyon, Caen, Le Havre et peut-être bientôt Saint-Etienne : le continent nord-américain fait main basse sur le foot français. Dans un passé relativement récent, les clubs de Bordeaux et Paris ont aussi appartenu à des investisseurs venus d’outre-Atlantique. Soit parmi les plus grandes villes de France qui sont, ou ont été, la cible d’hommes d’affaires des États-Unis. Longtemps, les clubs de football de l’Hexagone étaient détenus par des personnalités locales, souvent des hommes d’affaires du coin, qui s’engageaient dans la durée, n’étaient pas là pour les bénéfices mais plutôt pour une petite notoriété ou assurer un rôle social et culturel dans la ville.
Tout a changé au début des années 2000. Le foot français est devenu attractif aux yeux de financiers et d’investisseurs, pour la « faible » mise de départ qu’y représente l’achat d’un club et les perspectives importantes de développement. Les Américains, eux, ont d’abord jeté leur dévolu sur la Premier League, le championnat anglais, pour d’évidentes raisons de proximité culturelle, mais aussi pour une économie déjà mature dans le sport professionnel au Royaume-Uni. Désormais, les clubs britanniques valent presque autant qu’une franchise professionnelle dans un des quatre sports majeurs des États-Unis (football américain, baseball, basketball et hockey), c’est-à-dire au-delà du milliard d’euros. Un investissement réservé à une très petite élite.
Les autres ? Ils ont jeté leur dévolu sur la France évidemment, qui offre des tickets d’entrée bien moindres qu’ailleurs. L’Olympique de Marseille a ainsi été rachetée en 2016 pour 45 millions d’euros par le Californien Franck McCourt, qui avait vendu quelques années plus tôt la franchise de baseball des Los Angeles Dodgers pour… 2,2 milliards de dollars. Idem à Toulouse, où le fonds d’investissement Redbird du New-Yorkais Gerry Cardinale a déboursé une somme estimée à 35 millions d’euros en 2020, en plein Covid, pour obtenir 85% des parts du Toulouse FC.
Pour des sommes raisonnables comparées à des investissements dans d’autres pays ou d’autres sports, ils deviennent ainsi propriétaires d’institutions pérennes, et implantées dans la ville. « Le sport est un business pour eux, éclaire Jean-Pierre Karaquillo, le fondateur du Centre de Droit et d’Economie du Sport de Limoges. Ils investissent en France pour faire ce qu’on appelle du trading : la vente de joueurs achetés peu cher ou formés au club. Pour cela, ils ciblent surtout les clubs formateurs, ceux qui ont des centre de formation réputés. Former un joueur coûte relativement peu cher et peut rapporter gros quand on le revend. »
Dégager des bénéfices : l’objectif de ces investisseurs américains n’est cependant pas toujours compatible avec le modèle européen. L’absence de salary-cap et la possibilité de racheter des contrats de joueurs (à prix d’or), ajoutés à des revenus plus modestes, a toujours eu tendance à creuser les déficits des clubs. « Ils parient aussi sur une explosion des droits télés, ajoute Jean-Pierre Karaquillo. Ils estiment que les Français ne sont pas très bons en marketing et qu’ils sauront faire mieux pour développer les revenus. »
Une stratégie qui augmentera la valeur des clubs, pour, peut-être, dans quelques années, être en mesure de les revendre cinq ou dix fois plus cher qu’ils n’ont été achetés…