Votre enfant vient de perdre une dent de lait, et il est temps de la glisser sous l’oreiller pour qu’elle soit échangée contre une pièce ou un petit cadeau. Si cette tradition existe aussi bien en France qu’aux États-Unis, une différence majeure sépare les deux cultures : de ce côté de l’Atlantique, c’est la célèbre Tooth Fairy (fée des dents) qui se charge de la collecte nocturne, tandis qu’en France, c’est la Petite Souris qui remplit cette mission. Mais d’où vient cette divergence ?
Cocorico ! La Petite Souris serait d’origine française. Elle apparaît pour la première fois au XVIIᵉ siècle dans un conte intitulé « La bonne Petite Souris », écrit par la baronne d’Aulnoy. Dans cette fable, une fée se transforme en rongeur magique pour aider une reine à se débarrasser d’un roi tyrannique. Au fil du temps, cette figure aurait évolué pour devenir une créature bienveillante, échangeant les dents de lait contre de l’argent. Cette tradition s’est ensuite largement répandue dans le monde francophone, notamment en Belgique et en Suisse.
En Espagne, c’est Ratoncito Pérez (le petit rat Pérez) qui joue ce rôle. Le personnage est créé en 1894 dans un conte écrit par le Père Luis Coloma Roldán pour réconforter le jeune roi Alfonso XIII, attristé par la perte de ses dents de lait. Une légende qui s’est ensuite propagée à travers l’Amérique latine.
Aux États-Unis, la tradition de la Tooth Fairy aurait émergé au début du XXᵉ siècle, mais c’est seulement en 1927, avec la publication du livre pour enfants The Tooth Fairy d’Esther Watkins Arnold, qu’elle devient une figure incontournable pour les petits Américains, avant de gagner en popularité dans le monde anglophone.
Selon Simon Bronner, professeur émérite de sciences sociales de l’Université du Wisconsin, la Tooth Fairy serait en fait un « dérivé de la tradition européenne ». Si d’après lui, les souris possèdent dans le folklore européen une « dimension symbolique forte », dans le monde anglo-saxon, l’imaginaire est plutôt imprégné par les fées. La Tooth Fairy s’inscrit dans cette tradition où les créatures féeriques jouent un rôle majeur, apportant une touche de magie à la perte des dents de lait. La Tooth Fairy est donc la fusion entre une légende européenne et le monde des fées, si cher aux Américains.
Si les deux traditions diffèrent sur la forme du personnage, elles se rejoignent sur le fond. Pour Simon Bronner, elles fonctionnent toutes deux comme des « systèmes de récompense », aidant l’enfant à mieux accepter la perte de ses dents de lait et à appréhender son passage progressif vers l’âge adulte. Un cap symbolique qui, bien que souvent perçu comme anodin, peut être troublant : c’est l’un des premiers changements corporels irréversibles que l’enfant expérimente, le confrontant, même inconsciemment, à la notion de mortalité.
Cette coutume a toutefois un prix. Aux États-Unis, la Tooth Fairy laisse en général 5$ par dent, une somme qui peut monter jusqu’à 10$ (voire plus) dans certaines familles. Un chiffre à multiplier par 20, c’est le nombre de dents de lait que nous possédons et perdons progressivement entre 6 et 12 ans. Une inflation qui suit celle du coût de la vie, mais aussi l’évolution croissante des attentes des enfants. Et si votre petit se pose la question, sachez que du côté de la Petite Souris, la générosité est plus modérée : en France, elle laisse en moyenne entre 2 et 5 €. Mais comme vous le savez déjà, qu’il s’agisse d’une fée scintillante ou d’une souris espiègle, ce sont bien les parents qui, au final, glissent la récompense sous l’oreiller…