Les Etats-Unis ne sont pas le pays du “Hollywood Smile” pour rien.
Le marché du blanchiment dentaire pèse 11 milliards de dollars aux Etats-Unis. En moyenne, les activités de blanchiment génèrent 25.000 dollars par an pour un cabinet dentaire américain. Un marché juteux qui suscite bien des convoitises. Depuis plusieurs années, dentistes et non-dentistes se livrent un bras de fer judiciaire sur qui a le droit d’offrir des services de blanchiment. Une querelle qui est montée jusqu’à la cour suprême en février, quand elle s’est prononcée sur le cas d’un organisme professionnel de dentistes qui avait fait fermer une société de blanchiment dentaire tenue par un non-dentiste en Caroline du Nord.
Pourquoi cette obsession américaine pour le blanchiment dentaire? Pour Hugh Aldersey-Williams, auteur d’Anatomies: A Cultural History of the Human Body, c’est une opération marketing bien menée. “Les dentistes sont parvenus, à un degré extraordinaire, à construire un message qui lie l’apparence de vos dents à votre statut socio-économique” , résume-t-il.
Tout commence au début du XXeme siècle quand la marque de dentifrice, Colgate, commence à produire en masse ses premiers pots de dentifrice avec la promesse de garder les dents propres. L’usage du dentifrice et de la brosse à dents, vanté à coups de publicité, se répand au lendemain de la Première guerre mondiale, quand les soldats américains, ordonnés de se brosser les dents, sont revenus chez eux.
C’est avec Hollywood que les dents blanches cessent d’être un impératif hygiénique pour devenir un outil esthétique. Dans les films en noir-et-blanc, les dentitions qui n’étaient pas parfaitement blanches semblaient grises à l’écran. “Pour corriger cela, on fabriquait des prothèses extrêmement blanches pour les acteurs. C’était même prévu dans leur contrat” , explique Hugh Aldersey-Williams. Le fameux “Hollywood Smile” est né.
Les fabricants de produits dentaires et les dentistes s’en emparent. Dans les années 70, les publicités vantant le “sourire parfait” se multiplient. Les dents blanches sont associées pêle-mêle au “sex appeal”, à la réussite professionnelle, l’hygiène personnelle… La science donne un coup de pouce formidable à cette tendance. En 1989, un article paru dans une revue scientifique indique que de faibles quantités de peroxyde d’hydrogène, appliquées aux dents, peuvent blanchir la dentition. Les produits de blanchiment dentaires se multiplient (tablettes, gels, pastilles, chewing gums…). Les services de blanchiment fleurissent dans les cabinets dentaires et dans les supermarchés, les spas, les salons de coiffure…
“Autrefois, les Américains allaient chez le dentiste pour avoir une décoloration de base. Aujourd’hui, ils veulent avoir l’air beau , analyse James Gutmann, président de l’association American Academy of the History of Dentistry. C’est en partie l’influence de la publicité mais c’est aussi dû à l’évolution de la dentisterie américaine. Aujourd’hui, elle est pratiquée par de grandes compagnies, qui veulent vendre des produits. Les dentistes ne font pas le même travail aujourd’hui qu’il y a trente ans. L’objectif est de vendre, vendre, vendre” .
Vendre, mais jusqu’où? La pratique du blanchiment dentaire n’est pas sans risque. En fonction de la technique utilisée, le blanchiment peut affecter l’email des dents et les gencives, entrainer des douleurs et une sensibilité accrue. Et les dents pourraient devenir… noires.