Contrairement à d’autres monnaies, comme l’euro, la livre ou le yen, dont les billets varient de couleur selon la valeur, le dollar, lui, est caractérisé par sa couleur verte (et une touche de jaune apportée en 2013 sur les billets de 100 dollars). Pourquoi ? C’est la question bête de la semaine.
Surnommé le « billet vert », le dollar doit principalement sa couleur à la guerre livrée par le gouvernement américain contre les faux-monnayeurs dès le XIXème siècle. Le papier-monnaie, qui fait son apparition en 1861 aux États-Unis, est alors imprimé en noir avec une surimpression de nuances colorées pour empêcher les faussaires de le reproduire. « Les appareils photo de l’époque ne géraient pas encore la couleur, il était donc impossible pour les faux-monnayeurs de différencier les détails en noir de ceux en couleur car en cas de reproduction photographique, tout apparaissait en nuances de gris », explique Carol Riggs, du Bureau of Engraving and Printing qui produit les billets de la Réserve fédérale américaine.
Pourtant, les faux-monnayeurs aperçoivent rapidement une faille dans le processus de fabrication des billets car les encres de couleur utilisées en surimpression peuvent facilement s’enlever au lavage. Ainsi, en plongeant les billets dans un bain de solvants, les faussaires arrivent à faire disparaître les couleurs tout en conservant l’encre noire. Il ne leur reste plus qu’à imprimer à grande échelle cette fausse monnaie réalisée à partir d’un cliché de billet lavé et de rajouter les couleurs et la valeur de façon artisanale, simplement peintes à la main.
Pour contrer cette création de fausse devise américaine, Tracy R. Edson, l’un des fondateurs de l’American Bank Note Company, l’une des principales agences de gravure de monnaie, met au point une encre colorée indélébile. De couleur verte due à sa composition chimique, cette encre, résistante au lavage, ne permet plus aux faussaires de reproduire la monnaie. L’innovation de Tracy R. Edson est saluée par le gouvernement des États-Unis qui lui offre alors le monopole de la fabrication de toutes les coupures américaines. C’est la naissance du billet vert.
Au fil des années, le Bureau of Engraving and Printing prend peu à peu la main sur la fabrication de billets jusqu’à en devenir l’unique producteur en 1877. « Durant cette période de transition, il était logique de continuer à imprimer les billets en vert pour conserver une uniformité avec ceux encore fabriqués par l’American Bank Note Company, précise Carol Riggs. Quand le Bureau of Engraving and Printing est devenu le seul producteur, il n’y avait aucune raison de changer la couleur qui était devenue un véritable symbole, donc la pratique a persisté même si depuis de nouvelles technologies ont été mises en place pour éviter la contrefaçon ».
Aujourd’hui, l’encre indélébile utilisée est réalisée au Bureau of Engraving and Printing et sa composition n’a toujours pas été révélée pour limiter les risques de contrefaçon.
Une première version de cette Question bête a été publiée le 17 juin 2017.