Les Américains détiennent le record du monde des dépenses de santé. Selon une étude du Economic Politic Insitute publiée en octobre 2018, les dépenses liées à la santé représentaient 17,2% du PIB (Produit Intérieur Brut) américain en 2017. Il est en moyenne de moins de 10% pour l’ensemble des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). A titre de comparaison, les Etats-Unis ont dépensé plus de 10.000 dollars en soins médicaux par habitant contre 4.600 dollars pour la France, selon les chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé.
Alors que l’ensemble des postes de santé sont en augmentation depuis 2015, comment les Etats-Unis en sont arrivés là ? Pourquoi le prix du système de santé est-il si élevé, alors que l’espérance de vie est en baisse ? C’est la question bête de la semaine.
Un système fondé sur l’économie de marché
“L’idée générale, c’est que le système de santé américain est basé sur le système de marché”, résume Elisa Chelle, politiste et auteure de “Comprendre la politique de santé aux Etats-Unis”. Le système américain ne possède pas de régime général d’assurance maladie et s’appuie sur un ensemble d’assurances privées. Il existe des assurances publiques (comme Medicare et Medicaid), mais elles couvrent uniquement certaines catégories de personnes. Selon une étude réalisée par US Census Bureau, 67,5% de la population américaine possédait une assurance privée en 2016, la plupart du cas via leur employeur. Lorsque les prix des médicaments ou des visites médicales augmentent, la réponse du marché est d’augmenter les primes d’assurances. Contrairement à toutes les autres nations industrialisées, les Etats-Unis ne disposent d’aucun système centralisé qui permette de freiner l’augmentation des coûts de la médecine.
Un système privé au pouvoir de négociation faible
Aux Etats-Unis, les fournisseurs de santé ont un pouvoir très important, en particulier les assureurs et les géants pharmaceutiques. Regroupés sous forme de lobbies, les laboratoires pharmaceutiques règnent sans régulation. Comme la plupart des hôpitaux et des laboratoires appartiennent à des gros groupes privés, il est très difficile pour le gouvernement de réguler et de négocier les prix des médicaments. “Il ne faut pas oublier que le coût des uns fait le revenu des autres. Le système de santé américain est lucratif, et certains acteurs ne souhaitent en aucun cas négocier une baisse de prix”, rappelle Anne-Laure Beaussier. La santé est la seconde industrie et l’un des deux principaux gisements d’emplois aux Etats-Unis, après l’énergie.
Chargée de recherche au CNRS, la spécialiste a étudié le lien entre les soins de santé et les jeux politiques aux Etats-Unis. L’analyste rappelle : “La France et les Etats-Unis ont des traditions juridiques différentes. Les Américains partent d’une analyse sur le terrain sans logique globale où chaque règle s’établit localement. Il n’y a pas de système de santé clair, car les acteurs sont nombreux et éclatés. Il n’y a pas de règle unique, chaque Etat possède ses propres règles. On assiste donc à un empilement de lois. Au final, c’est très complexe”.
Des études chères et une forte innovation
Aux Etats-Unis, il faut compter près de 80 dollars en moyenne -beaucoup plus dans de grandes villes comme New York-, pour une consultation chez le médecin (contre 25 euros en France) et plus de 4.000 dollars pour une journée de prise en charge à l’hôpital (800 en France). La plupart du temps indépendants, les médecins et les praticiens eux-mêmes doivent souscrire à des assurances. Ces frais se répercutent ensuite sur le prix des consultations. Ils doivent également rembourser les crédits financiers qu’ils ont pris lors de leurs études, réputées pour être onéreuses. La médecine est également un secteur qui possède un très haut niveau scientifique et les chercheurs y affluent. “Les Etats-Unis ont un système de santé qui favorise l’innovation. Cela se traduit par une hausse des coûts de santé”, affirme Elisa Chelle.
Des réformes sociales difficiles à mettre en place
Le chantier de la santé a vu échouer de nombreux hommes et femmes politiques. En 2010, Barack Obama a pourtant réussi à promulguer l'”Affordable Care Act”. Plus connue sous le nom d’Obamacare, cette mesure a permis à des millions de ménages de s’assurer, mais a aussi fait grincé des dents une partie des Américains, qui estiment que c’est une atteinte à leur liberté de choix. “Le modèle libéral américain et le système individualiste priment souvent sur la solidarité. Penser que la liberté est plus importante que la solidarité est encore une idée courante aux USA”, analyse Elisa Chelle. Pourtant, de nombreux Américains soutiennent l’idée d’une politique de santé plus abordable. En sursis depuis l’arrivée au pouvoir des Républicains, la loi symbolique de l’ère Obama résiste toujours aux nombreuses attaques du président américain Donald Trump.
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