Le mardi 5 novembre, c’est l’anniversaire de Jean-Pierre Papin, mais aussi « Election Day » 2024 aux États-Unis. À la différence des Français, qui élisent leur président au printemps, les Américains choisissent le locataire de la Maison-Blanche (et d’autres représentants) au beau milieu de l’automne. Une tradition qui découle d’une loi de 1845 fixant l’élection des « grands électeurs », ces individus chargés de nommer le président en fonction du vote populaire dans leurs États respectifs, au « mardi suivant le premier lundi de novembre ». Pourquoi ce choix ? C’est la question bête du jour.
Comme d’autres aspects du système électoral, c’est un vestige d’un autre temps. Lors des premières élections présidentielles à la fin du XVIIIe siècle, la société américaine était très rurale et les déplacements, longs et parfois dangereux. Il fallait donc trouver un moment dans l’année où les agriculteurs pourraient délaisser leurs fermes et leurs champs pour au moins un jour. « Le mois de novembre semblait être une bonne option car la météo était relativement clémente et la moisson était terminée, explique David Greenberg, professeur d’histoire à l’université Rutgers (New Jersey). C’était une fenêtre de tir propice pour effectuer de longs trajets pour aller voter en ville ».
Jusqu’à la moitié du XIXe siècle, les États fédérés étaient libres de fixer leur propre « Election Day » tant que celui-ci avait lieu dans les trente-quatre jours précédant le premier mercredi de décembre, moment où le collège électoral devait se rassembler. Résultat : des élections présidentielles interminables. Celle de 1844 a duré du 1er novembre au 4 décembre !
Mais le développement du télégraphe va changer la donne. « Les endroits qui votaient en dernier pouvaient prendre connaissance instantanément des résultats dans le reste du pays grâce à l’essor de cette technologie », poursuit David Greenberg. Pour éviter de fausser le scrutin, le Congrès a donc décidé d’adopter la loi de 1845 établissant une date uniforme au niveau national pour la présidentielle (disposition qui sera ensuite étendue à d’autres scrutins). En plus d’inscrire dans le marbre le mois de novembre, elle consacre le mardi comme jour des élections. Là encore, ce choix ne doit rien en hasard. Cela ne pouvait pas être le dimanche, moment de culte, ou le mercredi, pour cause de marché, immanquable pour les fermiers. Le lundi aussi était hors de question car les électeurs auraient dû sacrifier leur dimanche pour se rendre à l’isoloir. Le mardi semblait donc la meilleure option à l’époque.
Cette décision est contestée aujourd’hui. En semaine, il est parfois difficile de s’absenter de son travail pour aller voter, surtout quand il faut faire des heures de queue pour remplir son « ballot ». Cette réalité explique en partie l’engouement autour du « vote anticipé » (« early voting »), qui s’est développé pendant la pandémie pour désengorger les bureaux. Lors des élections de 2020, 70% des votants avaient ainsi accompli leur devoir civique avant « Election Day » en personne ou par correspondance. En 2024, les électeurs de plusieurs États (Virginie, Minnesota…) peuvent voter dès le mois de septembre. Il convient donc de parler d’ « Election weeks » voire « months ».