Nos amis Jennifer Lopez et Ben Affleck, alias « Bennifer », nous l’ont rappelé cet été en se disant « oui » pour la vie : Las Vegas est la capitale des mariages rapides et de la dernière minute. Une réputation que la ville cultive soigneusement depuis des décennies. Pourquoi est-il aussi facile de se marier à « Sin City » ? C’est la question bête du jour.
Pour Lynn Marie Goya, la greffière du comté de Clark, dont Las Vegas est la ville principale, la réponse est avant tout économique. « Le Nevada n’est ni un port ni un État agricole. On ne vient pas y faire du ski. Nous avons des ressources minières, mais c’est à peu près tout. Très tôt, l’État (fondé en 1864, ndr) a donc misé sur le tourisme pour se développer. Il faut dire que nous n’avions pas vraiment le choix ! », dit-elle.
Les mariages sont apparus comme un bon filon pour attirer des visiteurs du pays, voire du monde entier. Pendant la Prohibition (1920-1933), période de préoccupations hygiénistes, « de nombreux États ont imposé des restrictions sur les mariages, en instaurant des examens sanguins et médicaux et des délais d’attente par exemple, rappelle Lynn Marie Goya. Le Nevada a décidé de prendre le chemin inverse. Il a dit aux couples : venez ! Vous pourrez vous marier le jour même, sans restrictions ». Ce n’est pas un hasard si la première wedding chapel, structure où l’on peut s’échanger les alliances à tout moment de la journée, parfois sans rendez-vous, voit le jour pendant cette période – en 1922. Les mariages d’une ribambelle de célébrités – dont un certain Elvis Presley en 1967 – offriront par la suite un bon coup de pouce marketing à ce business naissant.
Autre facteur: tout en rendant les mariages plus accessibles, l’État a aussi décidé… de faciliter le divorce. En 1931, les parlementaires locaux ont ainsi réduit de six mois à six semaines le délai minimum de résidence requis pour que l’un des deux époux engage la procédure de séparation. À l’époque, au sortir de la crise de 1929, la mesure devait servir à faire grossir la population et l’économie du Nevada. Elle a fait mouche. Les chercheurs estiment à plusieurs centaines de milliers le nombre de personnes qui se sont ainsi installées dans l’État de l’ouest pour mettre fin à leur union.
Le Silver State applique aussi une politique de no fault qui permet de justifier une rupture à l’amiable par une simple « incompatibilité » entre les mariés. Leur séparation peut alors être actée en quelques jours seulement. « On peut faire des mariages quickie et des divorces quickie », résume la maire de Las Vegas, Carolyn Goodman.
Le pari réalisé par le Nevada s’avère gagnant. Le secteur des mariages irrigue toute l’économie de la ville de Vegas et du comté (hôtels, casinos, photographes, compagnies de limousines, fleuristes…). Selon Lynn Marie Goya, il rapporte tous les ans quelque 2,5 milliards de dollars à Clark County.
En 2022, Vegas a lancé son Wedding Row pour réaffirmer son attachement à ce business si lucratif, qui se remet lentement de la pandémie. Après un ralentissement causé par le virus en 2020, le nombre de licences délivrées par le bureau des mariages du comté, seule administration de ce genre dans le pays à être ouverte tous les jours de la semaine, entre 8am et 12am (minuit), y compris lors des jours fériés, est reparti de plus belle en 2021 (77 006 contre 56 331). « Pendant longtemps, nous n’avions pas fait la promotion de ce secteur. Mais les mariages sont un pan significatif de notre économie et identité », reprend Carolyn Goodman. Montrer un peu d’amour de temps à autre ne peut pas faire de mal.