Promotions monstres en ligne et dans les boutiques, longues queues devant les magasins dans l’attente de l’ouverture des portes, voire batailles entre clients (du moins avant la pandémie) : le Black Friday est de retour vendredi 26 novembre. La tradition veut que les commerçants offrent des rabais exceptionnels le vendredi après Thanksgiving et lancent ainsi les achats de Noël. Mais pourquoi « Black » Friday ? C’est la Question Bête de la semaine.
Abraham Lincoln avait fait du dernier jeudi de novembre le jour officiel de Thanksgiving, décrété jour férié. Une tradition tacite voulait que les grands magasins commençaient leurs offres de Noël après cette fête familiale. Au début du XXe siècle, dans le bouillonnement économique des Roaring Twenties (Années Folles), beaucoup de grandes enseignes se sont mises à organiser des parades et autres rassemblements festifs pour marquer le coup d’envoi des soldes. Macy’s a ainsi créé la sienne en 1924 à New York. Elle existe encore aujourd’hui.
La couleur des profits
Petit à petit, le vendredi est devenu une référence. Le succès commercial était tel que beaucoup d’absences étaient constatées dans les entreprises. En 1939, lors de la Grande Dépression, les commerçants demandèrent au Président Roosevelt de décaler la date de Thanksgiving d’une semaine pour que la période des achats de Noël dure plus longtemps. Ainsi, du dernier jeudi de novembre, Thanksgiving est passé au quatrième jeudi de novembre – certaines années, il y avait en effet cinq jeudis dans le mois. Les promotions monstres du lendemain de Thanksgiving se sont alors uniformisées aux États-Unis.
Quant aux origines du nom de « Black Friday », plusieurs explications circulent. La première, sans preuve historique : au début du XIXe siècle, au lendemain de Thanksgiving, les esclaves auraient été bradés pour aider les propriétaires terriens à passer l’hiver. Bien qu’elle ait été démentie, cette rumeur entraîne chaque année des « boycotts de Black Friday ».
Une autre explication apparaît dans les années 80 : dans leurs registres de comptes, les commerçants marquaient à l’encre rouge les déficits et à l’encre noire les profits. Le vendredi post-Thanksgiving, l’encre passait du rouge au noir grâce aux soldes et bonnes affaires, d’où le surnom de « Black Friday » attribué à cette journée lucrative pour les commerçants.
Jour d’embouteillages à Philly
Une histoire créée de toute pièce selon Bonnie Taylor Blake, chercheuse en neurosciences à l’université de Caroline du Nord et passionnée d’étymologie. Après avoir étudié plusieurs journaux et documents historiques, elle affirme que le terme « Black Friday », utilisé pour désigner le crash de 1929, a refait surface en décembre 1961. Il apparaît dans une publication officielle de la police de Philadelphie. Les agents appelaient le vendredi en question « Black Friday » en raison des embouteillages causés ce jour-là par les fans de football qui venaient tous les ans à Philadelphie assister, le samedi, au derby Navy-Army, entre les équipes des deux académies militaires. Pour ajouter du désordre au désordre, certains supporters en profitaient pour se servir dans les magasins bondés.
« Les policiers de Philadelphie utilisaient ce terme d’une manière humoristique pour décrire une journée qui était désastreuse pour eux à cause de tous les bouchons et du monde qu’il y avait downtown. Ça leur donnait beaucoup de travail en plus » , explique Bonnie Taylor Blake. Le phénomène se reproduisant tous les ans, les habitants de Philadelphie ont adopté l’expression. Au grand dam des commerçants qui la jugeaient trop péjorative. Ils ont même voulu le changer en « Big Friday ». En vain. En utilisant le message des comptes passant du rouge ou noir, ils sont parvenus à donner une acception positive au terme, qui s’est répandu pour devenir, dans les années 1990-2000, synonyme de la cohue commerciale que l’on connaît aujourd’hui.
Une première version de cette Question Bête a été publiée le 25 novembre 2015.