Isabelle Balot écrivait déjà des poèmes avant d’être envoyée par les Nations Unies au Sud Soudan; elle y est devenue poétesse “de la guerre et de la paix”. “J’y ai vu la démobilisation d’enfants-soldats et ces images m’ont hantée”. Les images deviennent poème: “Au milieu des combats, rien et nul ne l’arrête/ Plus tout à fait enfant, pas tout à fait homme/ Il est dieu, il est roi, déjà adulte en somme/ Et se croit immortel, du meurtre plein la tête”.
Isabelle est en poste au Sud-Soudan, avec l’équipe qui tente de faciliter les pourparlers de paix, quand les violences éclatent au Darfour, en 2003. Comme d’autres aux Nations Unies, elle affronte alors l’indifférence du monde. Les rapports qu’elle écrit rejoignent d’autres rapports… Mais le soir, il y a la poésie. De retour à New York, elle organise des lectures de ses poèmes, découvre que ses textes ont “plus de force que la prose administrative”. “On atteint plus de monde, et de manière différente; on touche au coeur et aux tripes”.
Faire des massacres, des horreurs comme ces “mines camouflées en jouets”, une matière poétique est une challenge. Jusqu’alors, Isabelle écrivait des textes mystiques, métaphysiques. Elle entre dans une dimension nouvelle: “il ne s’agit plus de vouloir faire “joli”; il faut visualiser, transfomer en image une horreur qu’on veut naturellement fuir”.
Et ses textes finissent par toucher le coeur et les tripes d’un grand défenseur de la cause du Darfour, Bernard-Henri Lévy. Touché par la capacité d’Isabelle Balot à “raconter la brutalité des massacres comme aucun article”, le philosophe a publié une quinzaine de poèmes dans sa revue littéraire “La règle du jeu”.
Quatre ans après ses premiers poèmes, elle n’affronte plus le même silence, les consciences se sont éveillées au drame du Darfour; “mais la situation est devenue très complexe”. Les témoins, comme elle, “ont fait leur travail, mais rien ne peut se faire sans la volonté politique”.
L’expérience devrait aboutir très prochainement à la publication, en français et en anglais, d’un receuil de ses “Poèmes de la guerre et de la paix”.