5000. C’est le nombre de pitches qu’Aurélie Wen, 33 ans, compte à son actif. Directrice générale de la start-up Agorize en Amérique du Nord depuis 2017, elle se souvient encore de son tout premier pitch (face à 200 personnes). “C’était à Business France, il y a 3 ans et demi : on m’a jetée dans la fosse aux lions pour remplacer la personne qui devait pitcher”. Depuis, la jeune femme est passée experte en la matière. Elle nous a donné ses trucs et astuces pour pitcher comme un·e pro.
Savoir pitcher, présenter de manière concise, claire et directe ce qu’on fait, cela fait partie de l’ADN aux Etats-Unis – “Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement”, disait Boileau. C’est aussi un gain de temps voire même une marque de respect pour certains.
“Comparé à ce qui existe en Europe, le niveau est bien meilleur ici”, affirme Aurélie Wen. Selon elle, il est essentiel — sinon indispensable — de savoir pitcher. En français et en anglais, si possible. Inutile pour autant d’adapter son discours d’une langue à l’autre, un (bon) pitch se transpose facilement. “La manière de concevoir ses idées est exactement la même en anglais et en français”, estime la jeune femme qui a déjà été coachée par deux Américains et un Français.
Concrètement, il y a 5 points à suivre pour réaliser un bon pitch : soigner l’accroche (entre 10 et 15 mots maximum), poser clairement le problème, exposer son idée, expliquer les bénéfices/avantages de son entreprise (en donnant des exemples concrets et chiffrés : “on a aidé telle ou telle personne à réaliser ceci“) et pousser les spectateurs à agir (le fameux “call to action” avec un verbe à l’impératif). À bannir d’office ? Le “Bah voilà quoi !” à la fin de la présentation. “Donnez plutôt envie aux gens de venir vous parler ! Dites-leur que vous serez là pour discuter avec eux à la fin de l’événement, etc”.
“On ne garde que le muscle, on enlève tout le gras”
L’autre secret d’un pitch réussi tient en un charmant acronyme : KISS, pour “Keep It Short and Simple“. Autrement dit, oubliez Proust et les phrases à rallonge. “Les francophones ont tendance à être très verbeux, il faut éviter ça ! Dès que la phrase dépasse 15 mots et 8 secondes, c’est fini. Un sujet, un verbe, un complément, c’est suffisant”, affirme la spécialiste, avant de rappeler que le temps d’attention moyen d’un humain est de 8 secondes. “C’est pire que les poissons rouges qui, eux, ont un temps d’attention de 10 secondes en moyenne ! C’est catastrophique, il faut aller vite (rires).”
Son astuce pour s’auto-discipliner ? Se faire croire que chaque mot vaut 1.000$ ou plus. “Rapidement, tous les mots inutiles ou les idées futiles disparaissent comme par magie ! À la fin, on doit se demander : combien me coûte mon pitch ? Le moins cher possible, espérons-le”, confie celle qui assimile la création de pitch à de la cuisine. “Il faut peaufiner son pitch pour qu’il soit le plus maigre possible. On ne garde que le muscle, on enlève tout le gras”.
Et pour captiver un peu plus l’attention de la salle, Aurélie Wen conseille de faire des pauses, autant que possible. L’erreur à ne pas faire ? Tout dire. “L’important c’est qu’à la fin du pitch, les gens sachent approximativement ce qu’on fait. S’ils veulent en savoir plus, c’est gagné, ils viendront vous voir directement.”
La méthode des feux tricolores
En posant toutes ses idées sur papier, la Française utilise la méthode des feux tricolores, très connue dans l’univers des start-ups. Le principe : noter toutes ses infos en vrac avant de les catégoriser. “Les infos impératives en vert, les infos intéressantes mais pas indispensables en orange et les infos qu’on ne divulgue pas en rouge”, confie la directrice d’entreprise qui hiérarchise ses idées en permanence et qui a même remporté le prix du meilleur pitch en version française au StartupFest cette année.
Pour celles et ceux qui auraient le trac à l’idée d’aller pitcher, elle a une astuce qui a fait ses preuves : il suffit d’imaginer l’audience nue et de se rappeler qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’êtres humains. “Quand on a le trac, c’est qu’on a peur d’être jugé ou de dire des bêtises. Il faut diminuer les enjeux de son pitch et surtout bien se préparer, cela évite de paniquer au dernier moment”, explique Aurélie Wen.
Enfin, pour celles et ceux qui seraient “nuls” en anglais, il n’y a pas de secret : prenez des cours. “Quant à l’accent, il faut absolument soigner sa prononciation et les accents toniques, c’est le plus difficile”, lance la Française qui conseille de parler plus doucement et de faire davantage de pauses lorsqu’on pitche dans une langue étrangère.
Les émotions ont plus d’impact que les informations
Dernière erreur, et non des moindres, souvent commise par les débutants : confondre les informations avec les émotions. “Ce qui différencie un pitch d’un exposé ? La transmission d’émotions”, raconte Aurélie Wen qui invite les intéressés à jouer sur la corde sensible des spectateurs et à adapter leur pitch en fonction du pays. “Quand je pitche aux États-Unis, j’appuie davantage sur le côté story-telling, par exemple. Les Américains adorent ça ! Il faut faire frissonner et rire les spectateurs”, rapporte la cadre pro-active. Elle veille aussi à soigner son langage corporel, à commencer par sa façon de poser son regard. “À la fin du pitch, il faut que chaque personne puisse avoir l’impression d’avoir été regardée 2 ou 3 secondes”, explique-t-elle. Elle conseille de poser son regard sur une autre personne à chaque fin de phrase. Tout un art de coordination. “La vie est un pitch ! Au moment où tu nais, ton premier cri est un pitch. On pitche tout le temps mais on ne s’en rend pas compte”, lance la trentenaire.
Son dernier conseil ? Regardez ceci :
https://www.youtube.com/watch?v=IPYeCltXpxw