Avouons-le, les Français ne sont pas les plus forts en anglais oral. Prendre ce mal à la racine et dès l’enfance: tel est l’objectif de Pili Pop, une application éducative développée par deux Françaises, Elsa Prieto et Soiny Duval.
La cible: les 5-10 ans, avec ou sans connaissance initiale de l’anglais. Grâce à une appli ludique, les enfants vont découvrir les Pili, petits extraterrestres arrivés sur Terre et qui doivent pratiquer l’anglais pour se faire comprendre. “L’idée est de travailler l’expression orale et la compréhension de façon ludique“, explique Elsa Prieto, installée à New York depuis quelques mois.
Les enfants choisissent un profil et accèdent à des thèmes (pirate, vétérinaire, cuisinier) qui correspondent à des thèmes de vocabulaire (les chiffres, les vêtements, les animaux, les couleurs). “Ce sont de petits jeux à différents niveaux où on entend un anglophone prononcer des mots. L’enfant doit les prononcer correctement pour gagner des points et avancer dans le jeu“. Pili Pop est d’ailleurs la première méthode de langues pour enfant à intégrer un moteur de reconnaissance vocale pour écouter les enfants et valider ou non leur prononciation.
Tout a commencé il y a huit ans à l’Ecole des Gobelins à Paris. Pour leur projet de fin d’études, Elsa Prieto et Soiny Duval s’attaquent à l’apprentissage des langues et cherchent à comprendre pourquoi les Français sont souvent mal à l’aise à l’oral en anglais. “Lors d’un échange avec une université des Pays-Bas, on s’est rendu compte qu’en anglais, les Français étaient très timides, en retrait, alors que les Néerlandais étaient très à l’aise“, se souvient Elsa Prieto, directrice technique.
“On est allé voir des profs, des linguistes et on s’est rendu compte que les enfants ont la capacité d’apprendre des sons qui n’existent pas dans leur langue maternelle mais qu’à l’adolescence, on perd ces capacités”. Leur passage dans des écoles primaires les a conforté dans l’idée que tout se jouait très tôt: “On a surtout vu des profs parler et les enfants écouter, sans avoir vraiment l’occasion de s’exprimer et sans qu’on puisse les reprendre sur la prononciation.” Résultat, selon Elsa Prieto: on quitte le lycée avec un bon niveau à l’écrit mais on ne sait pas s’exprimer correctement.
Leur diplôme en poche, les deux amies se consacrent à plein temps à leur projet d’appli et intègrent Numa, le prestigieux accélérateur parisien, où elles rencontrent Eugène Ernoult, le 3e co-fondateur de Pili Pop. En 2014, après une levée de fonds auprès de business angels, l’appli est mise en ligne.
Il y a deux ans, Pili Pop s’est élargi à l’espagnol et au français en 2017. “C’était important pour nous parce que c’est notre langue et parce qu’il y a un marché. Aux Etats-Unis par exemple, le français est très prisé“, explique Elsa Prieto, qui se charge notamment de faire connaître Pili Pop en français dans les écoles et les institutions. “Ici les enseignants sont souvent mieux équipés en tablettes et tableaux numériques et ils sont aussi plus curieux de découvrir de nouveaux outils d’apprentissage“. New York concentre également le gros du marché en terme d’applis pour les enfants.
Le succès est au rendez-vous pour la start-up française: 600 000 personnes ont téléchargé Pili Pop dans 150 pays et 4 000 personnes sont abonnées. Des résultats qui ne sont pas passés inaperçus: il y a un an, l’entreprise a été rachetée pour un montant non-dévoilé par le groupe Unique Heritage Media, propriétaire entre autres de Fleurus presse, éditeur de magazines pour enfants. Un partenariat qui a permis de diversifier l’offre: depuis décembre dernier, Pili Pop propose un livre immersif, dans lequel les enfants peuvent retrouver les Pili dans une histoire en anglais, à lire et à écouter grâce à une application. Là aussi, les enfants peuvent revenir sur des mots, les réécouter et les prononcer sous contrôle de la reconnaissance vocale.
Les cinq salariés de Pili Pop continuent de développer et d’améliorer l’appli, avec chaque mois un jeu nouveau pour les abonnés, pour diversifier le vocabulaire et ne pas lasser les enfants. Elsa Prieto imagine aussi dans l’avenir une nouvelle app, cette fois destinée aux adolescents.