Au premier abord, la nouvelle exposition du MoMA – The Original Copy, Photography of Sculpture – semble limitée. L’idée de mettre en lumière les liens étroits entre sculpture et photographie est séduisante mais la première salle décevante. Les photos de statues par Charles Nègre, Clarence Kennedy et d’autres sont belles et poétiques certes mais le tout est figé et l’intérêt difficile à saisir.
Au premier abord, on est un peu perdu aussi, des photos du XIXème siècle en côtoient d’autres du XXème, comme celles d’Ann Hamilton ou Louise Lawler (et son intéressante photographie d’une exposition, comme mise en abyme). On ne cerne pas bien la scénographie de l’exposition.
Au premier abord toutefois. Car après 5 minutes de tâtonnement, les textes de présentation aidant, on se laisse emporter dans cette histoire d’amour compliquée entre photographie et sculpture. Et on s’amuse à chercher au fil des salles et des thèmes qui se succèdent les évolutions à la fois de l’art de photographier et de l’art de sculpter. Puisque c’est bien là que réside le propos et l’intérêt de l’exposition : cerner comment la photographie a alimenté l’évolution de la sculpture avec pour questionnement transversal celui des liens entretenus en original et copie. Ainsi comment la copie – la photographie – devient art à son tour.
L’exposition est organisée de façon thématique (10 thèmes). La première partie revient sur l’usage premier de la photographie en lien avec la sculpture: documenter. Charles Nègre et d’autres avaient pour mission ou désir de témoigner d’un patrimoine (souvent pour des archives). De cette salle se dégage une atmosphère étrange, le calme marmoréen des statues, de ces corps figés laisse songeur. Plus loin, la photo est alliée de la sociologie quand elle est utilisée par Walker Evans ou Robert Frank pour montrer les monuments américains comme symboles d’une culture. Elle est aussi celle qui transforme comme d’un coup de baguette magique en sculpture. On pense ainsi aux étranges sculptures involontaires de Brassaï (ticket de métro déchiré, mie de pain roulée…). La photographie endosse tous les rôles, comme un jouet entre les mains des artistes.
Certaines sections sont plus intéressantes et frappantes que d’autres, comme celle consacrée à Rodin. Les photographes Edward Steichen et Eugène Druet sont parvenus à donner vie à la sculpture. Le premier a mis en scène le célèbre “Penseur” dans un cadre sombre comme un paysage à la nuit tombée. Il devient une silhouette fantomatique. Le second s’est consacré aux mains sculptées de Rodin, tordues, crispées, douloureuses. Les posant dans des draps blancs, on croit réellement voir des mains de chair et d’os, agrippant le tissu. La sculpture prend alors vie.
La partie de l’exposition consacrée aux photographies par Brancusi de son atelier donnent à voir une dimension nouvelle de la photographie. Organisant son atelier et ses oeuvres dans le but de prendre différentes photos, l’artiste met aussi en scène pour photographier mais montre en plus le processus créatif, les coulisses de son art.
Et puis la section consacrée au performing art montre comment le corps qui sert de support artistique devient sculpture grâce à la photographie, comme Hannah Wilke et ses différentes poses dans “Starification” ou Eleanor Antin et la photographie méthodique de son corps nu sur sept jours pendant un régime… La photographie permet alors de garder une trace d’une œuvre temporaire.
Par ses interrogations multiples sur photographie et sculpture, l’exposition du MoMA embrasse une question plus vaste : comment se définit l’art ? Vaste et insoluble question que l’exposition s’efforce de d’éclaircir ou du moins d’enrichir. Et si la photographie a peu à peu gagné son statut d’art à part entière, elle reste malgré tout – et c’est ce que montre l’exposition – un médium de communication, bien plus que tout autre art.
The Original Copy, Photography of Sculpture – 1839 to today
Du 1er août au 1er novembre
The Museum of Modern Art
11 West 53 Street
New York, NY 10019
(212) 708-9400