Il est, comme tant d’entre nous, amoureux de BD. Mais Philippe Labaune a décidé d’en faire un métier. Devenu collectionneur, il organise du 27 février au 14 mars la plus grande exposition-vente de BD européenne jamais organisée à New York.
“Ce qui distingue les enfants des adultes, c’est la taille de leurs jouets” disait François Giroud. C’est peut-être pour confirmer qu’il est fermement dans l’âge adulte que Philippe Labaune affiche fièrement sur les murs du loft familial de Chelsea un immense dessin de Tanino Liberatore, dessinateur de Bande-Dessinée italien. Mais la taille n’a pas grand chose à voir avec l’affaire. Les pièces affichées dans le reste de l’appartement sont de tailles plus modestes mais, d’une dédicace d’Uderzo à une planche originale de Boule et Bill en passant par un Frankin ou une planche d’Alix de Jacques Martin, la passion de Philippe Labaune ne fait aucun doute. Son amour de la BD a même guidé une reconversion professionnelle, qui le conduit à organiser cette exposition-vente à Chelsea.
“Cela fait 20 ans que j’entends parler de l’idée de faire une grande expo de la BD européenne à New York, raconte-t-il. Du coup, je le fais!”. Pour cette anthologie de quelque 70 ans de bande-dessinée franco-belge, il a réuni des oeuvres -mélange de planches originales et de toiles ou dessins- de 50 artistes en commençant, à tout seigneur tout honneur, par Hergé. “Il n’y a pratiquement jamais de planches ou dessins de Hergé sur le marché, mais nous en présentons une, qui ne sera donc pas à vendre, grâce à un prêt de collectionneur”. La planche originale extraite des Bijoux de la Castafiore, présentée avec son crayonné, a même une petite histoire new-yorkaise puisque le collectionneur en question, André Querton, ancien diplomate belge, fut en poste à New York, avant de devenir président des éditions Dargaud.
Parmi les autres oeuvres notables de l’exposition, un dessin de François Schuiten en hommage à l’architecte Frank Lloyd Wright, une planche du dernier Black & Mortimer ou encore une peinture d’Enki Bilal, la plus chère des oeuvres en vente, à 200.000$. “Mais il y aura aussi des choses beaucoup moins chères, à 1.500$ ou 2.000$”, insiste le collectionneur. De Claire Bretécher, récemment décédée, à Moebius, en passant par Peyo, Jacques Martin, Juilliard, Franquin (liste complète ici: https://www.art9us.com/), toute la diversité du 9ème art franco-belge est représentée.
Les collectionneurs de bande-dessinées sont de plus en plus nombreux en Europe: “quand j’ai commencé à collectionner il y a 20 ans, il y avait deux galeries à Paris, note Philippe Labaune. Il y en a aujourd’hui sept”. Mais aux Etat-Unis, le milieu reste plus confidentiel. “Lorsque il y a une vente à Paris on sait en général que s’il y a des enchères par téléphone depuis New York c’est moi et si c’est depuis Los Angeles c’est George Lucas ou Steven Spielberg…” Les deux cinéastes américains sont tous les deux grands amateurs et collectionneurs de bande-dessinée européennes, qui ont inspiré leurs univers (Valerian de Jean-Claude Mézières pour le réalisateur de Star Wars ou l’oeuvre de Moebius pour Spielberg).
Rapidement, Philippe Labaune s’est donc fait un nom dans ce petit milieu et quand, il y a deux ans, il arrête sa précédente activité professionnelle dans la finance, il décide de se lancer totalement dans la BD, en créant Art9, pour promouvoir la bande-dessinée européenne aux pays des comics, les ‘classiques’ mais aussi les jeunes auteurs. “Dès cette première exposition nous allons montrer Mathieu Bablé, un jeune auteur français qui monte”.
Avide collectionneur, Philippe Labaune montrera quelques-unes des oeuvres qu’il possède lors de l’exposition, mais pas question de les vendre: “il m’arrive d’échanger des pièces, ce qui se fait beaucoup entre collectionneurs, mais je ne vends jamais”. On ne se débarrasse pas comme ça son enfance…