Tout est parti d’un défi lancé en novembre 2020 sur Twitter. S’il dépasse les 50.000 abonnés, Philippe Croizon contactera Elon Musk pour lui demander de partir dans l’espace. Une heure plus tard, le chiffre est atteint. “Quand j’ai posté le tweet, j’espérais bien qu’il allait répondre. Et il l’a fait ! Comme je suis un peu culotté, j’ai poursuivi l’échange en lui proposant de me contacter en privé, et après quelques échanges, il m’a mis en contact avec Jared.”
L’athlète polyhandicapé, connu pour avoir traversé la Manche, couru le Paris-Dakar ou encore relié les cinq continents à la nage, est à Cap Canaveral, en Floride, pour assister au lancement de la mission SpaceX Inspiration4 prévu mercredi 15 septembre. Il sera témoin du premier vol spatial entièrement constitué de personnes de la société civile. Son défi ? Être un jour à leur place. “Jared Isaacman, qui commandera la mission, m’a invité au lancement d’Inspiration4. Quelques jours plus tard, quand la mission rentrera sur terre, je pourrai le rencontrer et discuter d’un possible départ.”
Pas de réponse de Richard Branson
Ce vol dans l’espace serait l’accomplissement d’un rêve de gosse. Philippe Croizon avait déjà tenté sa chance auprès de Richard Branson, mais son email, en 2010, était resté sans réponse. “Avec les réseaux sociaux, c’est tout de suite plus facile. Et puis Branson s’était quand même écrasé deux fois…”, ne manque-t-il pas de souligner avec malice.
Avant de se rendre en Floride, Philippe Croizon a fait un petit détour par San Francisco pour rencontrer les élèves du Lycée français (LFSF), et revenir sur son parcours exceptionnel. Frédéric Patto, directeur artistique du Théâtre du LFSF, lui servira de traducteur lors de sa visite à Cap Canaveral. Le message de Philippe Croizon est simple, et il le martèle avec conviction : “Tout est possible !” Il lui a fallu pourtant des années avant d’arriver à cette conclusion. En 1994, à l’âge de 26 ans, il perd ses jambes et ses bras à la suite d’une électrocution accidentelle. “Pendant les sept premières années qui ont suivi l’accident, je suis resté dans mon canapé à regarder la télé. J’étais complètement renfermé sur moi-même, et je ne me considérais que comme une personne handicapée“, explique Philippe Croizon. “Ma femme m’a quitté, et quelques temps plus tard, j’ai rencontré Suzana, ma nouvelle compagne, mon ange gardien, qui ne m’a pas donné des ailes, mais des palmes…Depuis mes exploits, ce n’est plus l’handicapé que je vois dans la glace, mais Philippe.”
Il cache à son équipe qu’il ne sait pas nager
La traversée de la Manche reste, selon ses propres dires, son aventure la plus marquante. “C’est une des traversées les plus dures du monde, mais je savais que si je réussissais, ma vie changerait. Je me suis entraîné pendant près de deux ans, nageant plus de 4000 kilomètres en piscine. Et ce n’était vraiment pas gagné : le premier jour dans le bassin, j’ai coulé à pic, avec mes prothèses de trois kilos chacune. J’avais oublié de préciser à mon équipe que je ne savais pas nager…” Chaque nouveau défi requiert au moins deux ans de préparation, à la fois physique et mentale. Philippe Croizon a utilise la sophrologie pour réguler ses émotions : “Je suis très émotif. Je pleure quand je suis heureux, je pleure quand c’est dur. On m’appelle “la chialouze”“, révèle-t-il en riant.
Pour se préparer à son aventure spatiale, Philippe Croizon apprend l’anglais depuis six mois, à raison de trois heures par jour. Au delà de la barrière de la langue, facilement franchissable, il sait qu’une telle mission comporte bien des obstacles liés à son handicap : “Elon Musk m’a dit que ce serait bien d’avoir au moins une main pour pouvoir s’accrocher lorsqu’on est en apesanteur. Des travaux sont en cours pour réaliser des prothèses spécifiquement conçues à cet effet. Chaque nouvelle aventure donne lieu à des avancées technologiques qui bénéficient les handicapés.”
Malgré sa bonne humeur et son optimisme toujours de mise, Philippe Croizon sait que son voyage dans l’espace est encore à l’état d’ébauche, et que la mission Inspiration4 des jours qui viennent sera déterminante dans la réalisation de celui-ci : “Si ça ne se fait pas, ce ne viendra pas de moi, mais des ingénieurs de SpaceX qui auront besoin de plus de temps pour surmonter les challenges posés par cette mission.” En attendant, il continue de rêver d’entrer dans l’histoire de la conquête spatiale car “tout est possible !“.
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