Le 2 décembre 2022, Emmanuel Macron annonçait à la Nouvelle-Orléans le lancement de l’initiative « French For All » pour promouvoir le français dans les écoles et les universités américaines. Un an plus tard, un rapport rappelle à quel point cet effort est important.
D’après les statistiques recueillies auprès de 2 700 institutions par la Modern Language Association (MLA), organisation de défense des langues étrangères, le nombre d’inscrits dans les départements de français a baissé de 23,1% entre 2016 et 2021, passant de 175.700 à 135.100. L’allemand (-33,6%), l’arabe (-27,4%) et l’hébreu moderne (-26%) enregistrent les pertes les plus fortes.
Au total, le nombre d’inscriptions dans les départements de langue a reculé de plus de 16%. Une situation inquiétante mise en lumière, en août dernier, par la décision de la West Virginia University (WVU), plus grande université publique de Virginie Occidentale, de supprimer son département de langues du monde pour réduire son déficit de 45 millions de dollars. Face au tollé, elle a finalement décidé d’épargner certains cours de chinois et d’espagnol.
« La tendance a réellement commencé vers 2009-2010, au moment de la crise économique. Nous avons constaté un déclin des investissements dans les langues au niveau fédéral, analyse Paula Krebs, directrice de la MLA. Cela montre que si nous ne mettons pas d’argent dans ces programmes, les inscriptions vont continuer à diminuer. Il faut faire comprendre la valeur de ces enseignements aux universités ».
Elle insiste sur le fait que les chiffres ne traduisent pas un désintérêt pour le français, qui demeure la langue la plus étudiée derrière l’espagnol. Ils reflètent davantage le déclin global des inscriptions à l’université et l’accent mis sur les cursus STEM (science, technology, engineering and mathematics) plutôt que sur les « Humanités ». « Il est difficile pour les étudiants d’apprendre une langue quand leur établissement ne le requiert pas, observe-t-elle. En effet, si vous suivez un cursus d’informatique, par exemple, votre conseiller pédagogique ne vous encouragera pas à prendre un cours de langue si vous ne le devez pas car il estimera que vous n’en avez pas besoin ».
Selon elle, cette situation affecte en particulier les étudiants issus des minorités, les boursiers ou ceux dont les parents ne possèdent aucun diplôme d’enseignement supérieur (« étudiants de première génération ») que l’on encourage à se concentrer sur des formations présentées comme plus lucratives.
Pour l’Ambassade de France aux États-Unis, le rapport de la MLA montre la nécessité de mettre en place des initiatives comme « French for All ». « On reste dans la tendance du précédent rapport pour 2011-2016, ce n’est donc pas une surprise. Ce ne sont pas des chiffres très encourageants, mais nous essayons de mettre en place des actions pour soutenir les départements et continuer à développer leur recrutement », explique Xavier Moquet, directeur des affaires éducatives aux Services culturels de l’Ambassade.
Dans le cadre du programme, les établissements peuvent notamment postuler pour des bourses afin de financer des projets visant à rendre l’apprentissage du français plus attractif (renforcement des opportunités de stages francophones et de la mobilité internationale, formation des enseignants, changement de curriculum…). En 2023, quatorze initiatives ont ainsi bénéficié d’aides allant de 3.500 à 12.000 dollars, précise Xavier Moquet. Il note aussi qu’une conférence d’information en ligne sur « French for All » a rassemblé quelque 170 participants en mai dernier. Signe de l’intérêt que suscite le programme chez les administrateurs.
Xavier Moquet suggère que la tenue des Jeux Olympiques de 2024 en France pourrait aider. Ce n’est pas impossible : le cas du coréen, dont le nombre d’inscrits a bondi de plus de 38% selon le MLA, montre qu’une langue étrangère bénéficie grandement de facteurs économiques et culturels. Encore faut-il que les universités saisissent la balle au bond. « Ce boom du coréen aux États-Unis n’a pas été créé par les instructeurs, mais par le rôle culturel de la K-pop, de la série Squid Games, etc. Sans oublier l’accroissement de la présence économique coréenne aux États-Unis, analyse-t-elle. Les défenseurs du français, de l’italien, de l’allemand et d’autres langues en déclin doivent réfléchir à ce qui pourrait rendre ces langues assez sexy pour que les étudiants décident de se dresser contre les forces – parents, conseillers pédagogiques, le discours ambiant…- qui s’opposent à leur apprentissage ».