Mercredi soir, vers 9pm, Eric Thoby reçoit une première alerte sur son téléphone. Risque de tornade et d’inondation chez lui, près de New Rochelle (Westchester). Une demi-heure plus tard, une pluie violente s’abat soudainement sur sa maison située en pente. Les restes de l’ouragan Ida sont là.
L’eau pénètre rapidement dans son sous-sol, où se trouve un garage et la chambre de sa jeune fille au pair. “L’eau est passée par les fenêtres à moitié enterrées du sous-sol. Elle est montée. Mon garage s’est rempli comme une baignoire”, souligne cet assureur-santé français.
Le Westchester fait partie des zones les plus touchées par les pluies torrentielles qui ont déferlé sur le nord-est des États-Unis, causant la mort d’au moins 49 personnes dans la région, selon un bilan provisoire. Eric Thoby a heureusement eu plus peur que mal. Habitué aux ouragans depuis une expatriation au Mexique, il était équipé de pompes à eau, qu’il a mises à contribution pendant la soirée. Il a également mis la main sur des ventilateurs pour sécher ce qui pouvait l’être, y compris des matelas que lui avait confiés un ami. “J’ai tout sorti. On a l’impression d’être dans un grand débarras, dit-il. J’ai du avoir trente centimètres d’eau. J’estime faire partie des chanceux car je n’ai pas perdu l’électricité. En revanche, des appareils électriques que j’avais sont foutus, la moquette aussi...”
Les vestiges d’Ida n’ont pas épargné les écoliers franco-américains de la région, qui faisaient leur rentrée ces derniers jours. La FASNY (French American School of New York), institution privée présente à Mamaroneck et Larchmont (toujours dans le Westchester), a fermé l’ensemble de ces campus vendredi “en raison d’inondations sévères, de coupures de courant et de fermetures de routes” dans la zone. “Le rez-de-chaussée de notre middle school à Mamaroneck a été inondé jusqu’au plafond. Les classes se situent au premier et au deuxième, mais nous considérons qu’il n’est pas sûr de faire revenir les élèves tout de suite. Nous devons vérifier les systèmes électriques, le dispositif de prévention des incendies, la qualité de l’air”, précise Elizabeth Ryan, la directrice de la communication.
L’équipe de direction est à pied d’oeuvre pour que les collégiens puissent reprendre les cours dès mardi, même si cela se fait en virtuel ou sur un autre campus – les deux autres sites de l’école (Lower School et High School), eux, n’ont pas été endommagés. “C’est la première fois qu’il y a des inondations aussi importantes. Heureusement, notre communauté scolaire, parents, élèves, personnel, s’est serrée les coudes“. Certains élèves ont même décidé de prêter main forte aux opérations de nettoyage à Mamaroneck et la FASNY envisage de monter un fonds d’urgence pour les sinistrés.
Selon Annie Michel, conseillère des Français de l’étranger et résidente de Mamaroneck, où les inondations ont été causées par le gonflement soudain des rivières locales, aucune victime française n’est à déplorer parmi les morts liées aux inondations dans le Nord-Est. “J’ai fait le tour des Français du coin. Il y a beaucoup de gens dont les caves ont été inondées“, dit-elle. Même si elle a eu peur pour le toit de sa townhouse, l’élue n’a pas essuyé de dégâts majeurs. Elle a perdu l’électricité jusqu’à samedi matin, et faisait des aller-retours à Starbucks pour charger son portable. “On était dans le noir et on n’avait pas de radio pour pouvoir écouter les informations locales. On s’est trouvé un peu bêtes !”, s’exclame-t-elle. Les donations de vêtements, de bottes, de chaussures, de couches, d’articles de toilette et de fournitures scolaires aux églises et aux organisations locales sont les bienvenues, selon l’élue.
Même si la tempête a pris un tour tragique à New York et dans les environs, certains ont trouvé de quoi sourire, les pieds dans l’eau. D’après le New York Times, le cinéma indépendant Film Forum, à Manhattan, s’est retrouvé inondé lors de la projection du film français “La Piscine” avec Romy Schneider et Alain Delon. Les spectateurs sont repartis avec des bons d’achat.
Comme d’autres restaurateurs de SoHo, Gwen Le Pape, chef chez Félix, avait décidé de fermer boutique plus tôt que prévu mercredi soir. Il est resté dans le restaurant car “j’ai une jambe en bois, je ne voulais pas risquer d’abîmer ma prothèse sous la pluie“, confie-t-il vendredi, en plein tasting de merguez. Le cuistot ne cache pas qu’il a eu de la chance. L’eau, qui a submergé sa rue, West Broadway, et emporté la cabane d’un restaurant voisin, est montée jusqu’au ras de la marche de Félix. Sans cette élévation, le restaurant aurait probablement pris l’eau.
L’eau s’est bien engouffrée dans son sous-sol, mais s’est arrêtée “à un centimètre” des compteurs électriques et des compresseurs frigorifiques, qui permettent de produire le froid. “Quand on a rouvert le business, on a eu beaucoup de clients. C’est comme si rien ne s’était passé“, confie-t-il. “Rien” ou presque car les fortes précipitations ont causé des difficultés d’approvisionnement. “Mon fournisseur est en retard. S’il n’arrive pas dans une heure, je n’aurais plus d’oeufs à mettre dans mes salades niçoises !“