“Je ne peux pas vous dire ce qu’il y a dans mes peintures. Quand je peins, je suis dans un voyage mental“. Dominique Thiolat déambule entre ses œuvres, accrochées aux murs de la lumineuse Galerie Paul Rodgers de Chelsea. Comme il ne peut pas en parler, il préfère citer les autres. Cézanne et Matisse notamment. Ce dernier “a dit: peindre, c’est un état qui dépasse mon état d’être normal.“
Dominique Thiolat est un pionnier. Dans les années 70, son style à la frontière du figuratif et de l’abstrait a bouleversé la scène culturelle française. A l’époque, la “nouvelle peinture” prenait racine en Amérique. New York émergeait comme la capitale de l’art moderne, face à Paris. Les milieux artistiques européens, toujours secoués par la Guerre, étaient incertains et fragiles. A l’aide de pinceaux et de collages, Thiolat a décidé d’épouser l’énergie créative des de Kooning, Motherwell, Newman, Pollock et Rothko qui explosaient aux Etats-Unis. “Ça a été brutal, admet-il. J’ai eu le sentiment qu’ils avaient réussi à faire des choses et que je me demandais comment j’allais pouvoir me situer. Je me suis réconforté en travaillant.“
Ses tableaux sont peints debout, la toile sur le sol, parfois avec un pinceau dans chaque main. Parmi les oeuvres exposées à New York, on devine des nus et des paysages – Taïhiti et la Mer du Nord, précise-t-il – peints avec un coup de pinceau vif et énergique. “Je me trouvais à l’aise dans la peinture américaine, notamment en raison de sa dimension d’échelle. En France, la peinture se faisait sur des formats relativement restreints. Tout à coup, Pollock et Motherwell sont apparus avec une toute nouvelle force inventive liée à la dimension du support. Ils l’ont fait respirer“, poursuit-il.
Paradoxalement, il a fallu attendre plusieurs décennies pour qu’une galerie américaine expose les œuvres de Dominique Thiolat. “Lorsque quelque chose se fait, c’est le moment“, philosophe-t-il. Pour son plus grand fan aux Etats-Unis, le galeriste Paul Rodgers, c’était une question de timing. “L’art moderne a été contesté dans tous les pays où il s’est développé. C’est une expérience déroutante pour les gens, dit-il. Le temps ne se prêtait pas à une exposition de Dominique mais les temps ont changé“. Mieux vaut tard que jamais.