Depuis la mort de Paul Bocuse, les hommages du monde entier affluent. Nombre d’entre eux proviennent des Etats-Unis, où le chef de légende a de nombreux poulains. Le site spécialisé Eater a recensé leurs messages, postés sur différents réseaux sociaux. Parmi eux, David Burke et Daniel Boulud (qui l’a appelé “la plus grande influence dans ma vie depuis que j’ai commencé la cuisine à 14 ans”). Emeril Lagasse l’a décrit comme “l’un de mes premiers mentors“. Et Thomas Keller, il était “un exemple pour les chefs et les restaurateurs“.
“Il formait tout le monde, quelle que soit la nationalité. Français, Américains, Japonais… Il se sentait responsable pour l’éducation des autres“, confie Daniel Boulud, joint avant qu’il ne prenne l’avion pour Lyon pour assister, vendredi 25 janvier, aux obsèques de “Monsieur Paul” comme il était surnommé.
Le chef français installé à New York l’a rencontré lorsqu’il faisait son apprentissage à Lyon. Les deux hommes sont restés très proches, même après l’installation de Daniel Boulud aux Etats-Unis. En 2008, Paul Bocuse est allé jusqu’à lui demander, ainsi qu’au chef américain Thomas Keller, étoile montante de la gastronomie française aux Etats-Unis à ce moment-là, de prendre en charge l’équipe américaine aux Bocuse d’Or, sorte de jeux olympiques de la gastronomie rassemblant 24 pays. “De tous les pays participants, il rêvait que les Etats-Unis gagnent. Car tout le monde avait gagné, y compris les pays scandinaves. Les Etats-Unis, jamais“, se souvient Daniel Boulud. Les Américains ont finalement remporté le titre en 2017.
Les Etats-Unis occupaient une place spéciale dans la vie et le coeur de Paul Bocuse. Il racontait volontiers qu’un hôpital américain, où il avait reçu une transfusion sanguine après avoir été touché par une balle à la poitrine pendant la Seconde Guerre mondiale, lui avait sauvé la vie. “J’ai du sang américain dans les veines“, aimait-il répéter. D’ailleurs, les clients de son mythique restaurant trois étoiles, l’Auberge du Pont de Collonges, près de Lyon, sont reçus par un drapeau américain.
En 1982, avec Roger Vergé et Gaston Lenôtre, il ouvrait les Chefs de France au sein du pavillon français à Walt Disney World à Orlando. Un autre restaurant, Monsieur Paul, toujours à Disney, suivra. “C’était un gros pari à l’époque de faire manger des poulardes de Bresse et de la soupe à l’oignon aux Américains. C’est un pari gagné, un succès énorme. C’est 3.000 couverts par jour !, s’exclame le chef pâtissier Jean-Jacques Bernat, propriétaire de Provence en Boîte à Brooklyn. Cet ancien apprenti du “chef du siècle” participe à l’organisation d’un hommage à New York, dimanche 29 janvier, avec d’autres chefs français qui ont connu le “Lion de Lyon”. “Pour un gars venant d’un petit bourg à côté de Lyon, c’est quelque chose“, poursuit-il.
Paul Bocuse venait souvent aux Etats-Unis, où son fils Jérôme, diplômé de l’école culinaire Culinary Institute of America (CIA) à Hyde Park, est resté aux manettes des restaurants du pavillon français. Il a notamment fait le trajet en février 2013 pour inaugurer le restaurant du CIA qui porte son nom, en présence de nombreux de ses disciples et amis américains comme Daniel Boulud, Thomas Keller, Jean-Georges Vongerichten, Charlie Palmer ou encore Michel Richard. “Thomas Keller l’a appelé ‘l’icône’. Il a jeté les fondations sur lesquelles Ferran Adrià (chef d’elBulli en Espagne, ndr) s’est appuyé. Et pour de nombreux jeunes chefs, Paul Bocuse est soit directement un modèle, soit ses disciples le sont pour eux. De jeunes chefs, voulant suivre l’exemple de Thomas Keller, Daniel Boulud ou Jean-Georges Vongerichten, suivent en réalité l’exemple de Paul Bocuse, même s’ils ne le réalisent pas“, estime Tim Ryan, président de CIA.
Aujourd’hui, le nom de Paul Bocuse aux Etats-Unis vit notamment dans les bourses offertes par la Bocuse d’Or USA Foundation, re-baptisée Ment’or en 2014. Dirigée par Daniel Boulud, Thomas Keller et Jérôme Bocuse, la fondation offre des aides financières et des opportunités de mentoring à de jeunes chefs américains. “La jeunesse veut continuer à célébrer la vie de Paul Bocuse, veut croire Daniel Boulud. On le sent beaucoup en regardant les médias sociaux. Il y a énormément de jeunes qui sont touchés par sa mort“.