Aux États-Unis, Pascal Baboulin est sans doute l’unique Français spécialisé dans la fabrication artisanale de chapeaux traditionnels américains. Ce n’est franchement pas banal, et pourtant voilà plus de quinze ans qu’il habille les têtes de nombreux touristes et amateurs qui passent par Virginia City, dans le nord du Nevada, ancienne ville minière devenue destination touristique pour fans du far-west et amateurs de vieux saloons.
C’est d’abord la passion de l’histoire qui amène ce savoyard aux Etats-Unis, à l’université UC Davis en Californie, pour y réaliser son mémoire sur les flux migratoires des Français au cours de la ruée vers l’or. Et c’est là aussi qu’il rencontre sa future femme, originaire de Virginia City. La petite ville de 800 habitants deviendra donc sa destination, un siècle et demi après le boom minier (on y avait découvert de l’argent) qui fit pour quelques décennies la gloire d’une ville qui aujourd’hui encore entretient la nostalgie de la conquête de l’ouest, et de l’atmosphère des westerns.
Un art appris dans l’Arizona
Avant de devenir passionné et spécialiste de la chapellerie, Pascal Baboulin a travaillé dans les vignobles californiens, puis, de retour à Virginia City, il y a ouvert une boutique de souvenirs. Mais, c’est encore sa passion de l’histoire qui lui fera découvrir sa future profession. « En épluchant les vieux journaux de la ville, j’ai découvert qu’un Français s’y était installé entre 1870 et 1880 pour fabriquer des chapeaux. En tant qu’historien, j’ai eu envie de recréer une histoire vivante autour de cet artisanat et de revivre en même temps l’aventure d’un compatriote », se rappelle-t-il. Une chance pour lui, d’autant plus que lors de différents voyages aux États-Unis, il avait rencontré un chapelier à Quartzsite, dans l’Arizona. « J’ai repris contact avec cet artisan pour devenir son apprenti, et j’ai passé deux ans avec lui pour apprendre l’art de faire des chapeaux », explique Pascal Baboulin. Après cette longue période d’apprentissage, le Français a pu ajouter cette activité à son magasin de souvenirs sous le nom de The Pioneer Emporium & Virginia City Hat Maker. Le début d’une nouvelle aventure pour lui.
Une fabrication sur mesure
Si Pascal Baboulin vend toutes sortes de chapeaux dans son magasin, il est surtout connu pour réaliser des couvre-chefs sur mesure, dans le pur style de ceux que portaient les cow-boys au XIXeme siècle. « Je fabrique tous mes chapeaux à partir de feutre de castor et de lapin. Pour les fourrures, je travaille avec des artisans du Tennessee, les bandes de cuir viennent du Texas et la doublure intérieure est fabriquée à New York. Je propose ainsi des produits made in USA, dans le respect d’une fabrication artisanale et traditionnelle », explique-t-il en soulignant l’importance des outils utilisés. « Au fil des années, j’ai pu récupérer des outils originaux auprès de mon professeur ou encore sur eBay. Certains pourraient être vendus dans des boutiques d’antiquités, comme le plus vieux qui remonte aux années 1890 ! », raconte-t-il. Grâce à tous ces outils spécifiques, Pascal Baboulin ajuste la pièce en fonction des traits et de la hauteur du visage. « Ce sont des chapeaux vraiment personnalisés, avec l’ajout du nom du client à l’intérieur comme touche finale. »
Deux à trois heures de travail
Aujourd’hui, l’essentiel de la demande concerne les chapeaux de western, mais Pascal Baboulin propose plus d’une vingtaine de styles différents avec des modèles hauts de forme ou inspirés des célèbres Borsalino. « Nos best-sellers restent néanmoins les chapeaux western et certains clients viennent même assister à la création du leur. Il faut compter entre 300 et 800 dollars pour un modèle sur mesure. Le prix va dépendre de la fourrure utilisée », précise-t-il. La fabrication d’un couvre-chef nécessite entre deux et trois heures de travail, et Pascal Baboulin en réalise quelque 650 unités chaque année, non sans fierté. « J’ai réussi à recréer cette science du chapeau sur mesure. Après dix-sept ans de travail, nous avons une bonne réputation et le bouche-à-oreille fonctionne bien », se félicite l’artisan, qui cherche à étendre son savoir-faire et sa notoriété. « J’essaie de développer une activité autour des chapeaux historiques des États-Unis. J’en fais déjà pour quelques clients. Mais aujourd’hui, je suis en contact avec des curateurs de musées à Williamsburg (Virginie) ou Gettysburg (Pennsylvanie) pour developper des répliques de la période coloniale, comme des tricornes et des modèles de la guerre de Sécession », confie-t-il.