Les articles parus dans la presse américaine la semaine passée ont un air de déjà vu. Les Français, d’après les Américains, “semblent vivre dans un univers parallèle concernant l’économie“, note le New York Times pour la énième fois. Pas assez de flexibilité sur le marché du travail, se plaint l’Associated Press, dans un article repris par ABC News. Plus grave encore : M. Hollande “a banni le mot même de «flexibilité» de la langue vernaculaire du gouvernement, il renvoie plutôt au mot « souplesse »“, affirme le Wall Street Journal. “Un test à venir pour l’exception française“, juge le New York Times.
Mais cette fois-ci les divergences de points de vue entre cette France éternellement réticente à s’ouvrir au monde et les Etats-Unis libre-échangistes touchent un sanctuaire français : le vin.
Deux articles mettent en lumière les enjeux “du combat le plus récent dans la guerre trans-Atlantique du vin“, pour reprendre les termes du Wall Street Journal. Cette dernière oppose les viticulteurs français aux exportateurs de vin américain. Son origine : la Commission européenne devait se prononcer ce mardi sur une demande déposée par les Etats-Unis visant à obtenir l’autorisation de vendre en Europe des vins américains portant la mention “château”. Un affront pour la France ! Le vote a été reporté sine die. “Ils essaient de voler notre réputation, les vrais châteaux ne sont certainement pas aux Etats-Unis“, tonne Dominique Haverlan, un viticulteur français, dans les colonnes du Washington Post. “Comment les viticulteurs américains peuvent-ils prétendre de mettre “château” sur leur étiquette de vin du nouveau monde ? Quel château ? Y-a-t-il des châteaux aux Etats-Unis ? Le mot même est français, poursuit-il. De la triche. Détournement. Distorsion de la concurrence“, résume le Wall Street Journal pour expliquer la position française.
Pour le Washington Post “la préservation du terme “château” sur les étiquettes de vin est un chapitre supplémentaire dans la longue bataille de la France, entre tradition et mondialisation“. Les viticulteurs français se considèrent comme les “héritiers d’un trésor national qui doit être sauvegardé de la même manière que l’Egypte a sauvegardé ses pyramides“. Et pour souligner cette volonté d’isolement, le Wall Street Journal cite le Président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux Laurent Gapenne : “La Commission européenne est en train de troquer notre héritage et notre poids économique au profit de la mondialisation“.
Outre-Atlantique, les Américains estiment qu’ils sont “écartés de manière injuste du marché“. Ils ne voient pas où est le problème. “Les gens utilisent les mots avec des sens différents“, affirme Cary Greene de Wine America, dans le Wall Street Journal. Et le quotidien de donner la définition américaine de “château” : un vin produit avec “des vignes utilisées traditionnellement par un producteur de vin ou un groupe de producteurs de vin.” “Une fraude”, juge Haverlan dans le Washington Post.
Le Wall Street Journal, lui, ne se prive pas de rappeler à ses lecteurs que c’est bien un vin californien qui a gagné la dégustation à l’aveugle, le “Jugement de Paris”, en 1976. “Ceci n’a jamais cessé de vexer les Français“, lance le quotidien.
Charlie Hebdo : le Wall Street Journal applaudit la France
Egalement au centre de l’attention de la presse américaine, les caricatures du prophète dans le journal satirique Charlie Hebdo. Les titres américains et français sont d’accord sur le sujet : la liberté d’expression est importante, mais elle ne doit pas être instrumentalisée pour inciter à la haine religieuse. Par conséquent, la tentative de François Hollande d’empêcher la publication des caricatures qualifiées de “vulgaires” par le New York Times a été soutenue par la presse. Un article de l’Associated Press repris par Newsday rappelle que Charlie Hebdo est un petit hebdomadaire qui “attire souvent l’attention en ridiculisant le prophète Mohammed“. Et le site Star News Online rappelle que “peu de choses sont sacrées” pour Charlie Hebdo.
Même le Wall Street Journal loue le gouvernement Ayrault pour sa gestion de la polémique: “Vive la France : Paris défend les valeurs américaines plus vigoureusement que Washington“. Le journal insiste : contrairement au gouvernement américain, Laurent Fabius aurait suffisamment défendu la liberté d’expression, cette valeur évidemment “américaine“, tout en critiquant Charlie Hebdo, et cela bien que “le régime français de la liberté d’expression est plus faible que celui des Etats-Unis.“
Marseille, capitale de la criminalité
Pour terminer cette revue de presse, gros plan sur la cité phocéenne. Deux reportages réalisés par NPR et le New York Times dressent une image sombre de la ville du Vieux Port.
Le New York Times fait plonger ses lecteurs dans une ville impitoyable qui ressemble plus à Sin City qu’à la capitale européenne de la culture 2013. Les premières lignes de l’article donnent le ton: “Walid Marzouki et sa petite amie ont arrêté leur Renault Twingo noire à un feu rouge sur le boulevard Casanova, désert, tard dans une nuit d’août. Une autre voiture s’est arrêtée à côté. Le chauffeur a ouvert sa fenêtre, sorti un fusil automatique et tué M. Marzouki, en utilisant plus de 20 tours.” M. Marzouki, un “dealer de drogue“, comme le rappelle le journal, est “une des 20 personnes qui ont été tuées” à Marseille dans les neuf derniers mois.
La criminalité liée au trafic de drogue “est devenue tellement incontrôlable qu’une femme politique locale a fait l’appel à l’armée pour restaurer l’ordre“, souligne Eleanor Beardsley, la correspondante de la radio NPR en France, dans son reportage. Le New York Times précise que la situation est devenue particulièrement inquiétante à cause de “l’usage croissant d’armes automatiques“, et cela en dépit du fait que “les armes sont strictement réglementées en Europe.“
Le ton du reportage devient fataliste quand le Times cite une infirmière qui connaissait M. Marzouki : “Nous sommes habitués aux meurtres ici. C’est mektoub, le mot arabe pour destin.“