En novembre 2016, Max (prénom changé pour l’article) avait prévenu ses proches en France: “Donald Trump peut être élu“. Le jeune homme avait une bonne raison de suivre l’issue de l’élection américaine: employé dans la restauration à New York, il était sans-papiers depuis plus d’un an quand Donald Trump a battu Hillary Clinton. “Si Clinton avait été élue, il y aurait moins ce climat de violence et d’accusation que l’on connaît aujourd’hui. Après, des expulsions, il y en a eu sous Obama aussi et il y en aura après Trump“, relativise-t-il.
Depuis l’entrée en fonction de Donald Trump le 20 janvier 2017, l’immigration occupe le devant de l’actualité. En un an, le républicain a, pêle-mêle, interdit d’entrer sur le territoire les réfugiés et ressortissants de sept pays à majorité musulmane, remis en cause le programme DACA de protection de personnes arrivées très jeunes illégalement aux Etats-Unis ou encore décidé la fin des statuts spéciaux qui permettaient à des Haïtiens et des Salvadoriens venus après des catastrophes naturelles dans leurs pays de rester sur le territoire. Thomas Homan, directeur d’ICE, l’agence chargée de faire respecter les lois d’immigration, l’a assuré en décembre: “le président a été clair dans ses décrets: toutes les populations sont concernées. Si vous êtes dans ce pays illégalement, nous sommes à votre recherche et nous allons vous appréhender“.
Malgré la réthorique présidentielle, les chiffres de l’année fiscale 2017, qui inclut quatre mois de présidence Obama, montrent que les expulsions sont moins nombreuses que pendant l’année fiscale 2016 (environ 226.000 contre 240.000). Ces chiffres comprennent les interpellations à la frontière et les expulsions de personnes arrêtées à l’intérieur du territoire. En revanche, le nombre de personnes expulsées alors qu’elles étaient déjà dans le pays a, lui, fortement augmenté entre le 20 janvier et le 30 septembre 2017 par rapport à l’année d’avant (62.000 contre 44.000), selon le site de fact checking PolitiFact.
Les chiffres d’expulsions de Français pour 2017 ne sont pas connus, mais selon des statistiques partielles obtenues en juillet, ils pourraient eux aussi augmenter: 51 ont été dénombrés du 1er octobre 2016 au 24 juin 2017, contre 59 du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016.
Charlotte fait partie des Français qui sont venus au beau milieu de la première année de mandat de Donald Trump. Elle travaille aujourd’hui illégalement dans la restauration à San Francisco. « Mes papiers font vraiment faux, ça se voit ! », avoue-t-elle, mais elle dit « ne pas avoir peur du tout des contrôles. »
Le positionnement de Donald Trump ne lui fait « ni chaud ni froid. L’Etat américain ferme les yeux parce nous payons nos taxes comme tout le monde. Et s’ils se mettent à contrôler les travailleurs illégaux, beaucoup de restaurants vont fermer… »
Elle ne se sent « absolument pas visée » quand le président américain tire à boulets rouges sur les travailleurs clandestins. « Je connais tellement de personnes qui font ça et Donald Trump est bien loin de nos réalités propres », poursuit la jeune femme. Elle craint une seule chose : « que quelqu’un me dénonce directement à la police », même si théoriquement, les agents de police ne communiquent pas avec les services de l’immigration car en tant que ville sanctuaire, la Fog City protège ses habitants sans-papiers.
Depuis l’élection de Donald Trump, Léo, qui vit illégalement à San Francisco depuis 2015, envisage de se marier avec sa copine américaine afin de pouvoir rentrer en France rendre visite à sa famille qu’il n’a pas vu depuis quatre ans. « Même si San Francisco est une ville sanctuaire, j’ai peur que les services de l’immigration deviennent plus regardants et que je finisse par me faire épingler. Donald Trump est tellement extrême sur ce sujet! ». Mais au quotidien, le jeune homme vit plutôt bien sa situation sans y « penser en permanence. »
S’il observe la libération de la parole raciste autour de lui, même dans cette New York solidement démocrate, Max s’estime “malheureusement plus protégé” que les clandestins non-blancs. “Il y a un racisme latent qui fait que les autorités iraient davantage demander leurs papiers à un noir, un hispanique ou un beur, comme en France d’ailleurs“. Lui non plus ne pense pas aux risques de son statut tous les jours. “On essaie tous de régulariser notre situation. Après, la vie continue. L’immigration n’est pas un sujet de tous les jours. Il faut bien continuer de vivre. On en a pour quatre ans au moins et voilà“.
Klervi Drouglazet (San Francisco), Alexis Buisson (New York)