“Il y aura un avant et un après Los Angeles pour ICE (Immersive Cinema Experience).” Ce mantra est répété inlassablement par Jocelyn Bouyssy, le directeur général du groupe rochelais CGR Cinémas. Grâce à un accord conclu lors du festival de Cannes avec AEG, géant américain de l’événementiel, il a lancé sa première salle immersive de 180 sièges sur le sol américain. Dès le mardi 10 décembre, elle ouvrira ses portes avec la projection de “Jumanji: The next level” dans l’immense complexe de divertissement L.A. Live, exploité par Regal.
Quand on pense à une salle immersive, on imagine un siège qui tremble, des effets de soufflerie… “On n’est pas au Futuroscope”, rappelle Jocelyn Bouyssy, qui décrit la salle ICE comme un concept premium alliant le confort et les innovations techniques, dont un son enveloppant et une immersion visuelle grâce à des panneaux lumino-textiles installés sur les côtés de la salle. Sollicitant la vision périphérique, la technologie LightVibes a été créée par les équipes de CGR dans leur bureau à la Rochelle, tout comme les sièges disposant de chargeurs à induction.
“C’est un concept imaginé par des exploitants pour les exploitants.” Grâce à cette offre, la part de marché et de box office des films projetés en ICE a été multipliée par deux, assure Guillaume Thomine Desmazures, responsable du développement international d’ICE. Un argument de poids pour convaincre les studios. Exploitants et distributeurs peuvent espérer vendre des tickets jusqu’à deux fois plus chers que les tickets traditionnels.
Los Angeles, “rêve de gosse”
Tout a démarré en 2016. “On a décidé de croire au cinéma. Après avoir résisté à Canal+, les VHS, les DVD, et maintenant les plateformes comme Netflix et Amazon TV, le cinéma avait besoin d’innovations technologiques”, note le patron charismatique du CGR, numéro 2 en France. “Il faut que cela reste un lieu de sortie, de socialisation.” Las de travailler avec des tiers, il décide de développer en nom propre cette technologie immersive. Trois ans plus tard, une trentaine de salles ont été construites dans l’Hexagone.
Los Angeles, la Mecque du septième art, était alors un “rêve de gosse” pour Jocelyn Bouyssy. Sans compter que cette ouverture est décisive pour l’avenir du concept à l’international. “Le challenge est désormais de trouver des contenus”, plaide Jocelyn Bouyssy, qui a démarré sa carrière comme projectionniste. Dès les débuts, il réussit à convaincre Luc Besson de diffuser “Valerian” en ICE, puis c’est au tour de Sony. Et finalement, même Disney leur a laissé leur chance avec “Maléfique : Le pouvoir du mal”. “J’ai réussi à convaincre les distributeurs quand ils sont venus en France voir un film en salle ICE. Celle de Los Angeles va permettre de faire venir les studios hollywoodiens et des réalisateurs comme James Cameron”, assure celui qui considère cette salle comme “le vaisseau amiral de la marque”. Un pari gagnant, puisque l’inauguration, mardi 3 décembre, a attiré des pontes de l’industrie.
Des rencontres qui devraient permettre au groupe français d’adapter en ICE des films qui se prêtent à la technologie, comme c’est déjà le cas pour “Top Gun 2” de Joseph Kosinski. Les films font l’objet d’un travail spécifique de post-production, au siège du CGR à Périgny, pendant environ un mois. Depuis trois ans, plus de 60 films ont été adaptés pour ces salles.
Le modèle connaît aussi une percée à l’international avec un déploiement en Arabie saoudite, via l’exploitant Vox qui a demandé une exclusivité territoriale. Le groupe rochelais ambitionne de vendre une centaine de salles aux Etats-Unis dans la prochaine année. La collaboration avec AEG pourrait se reproduire, le groupe américain gérant 5.500 salles de cinéma outre-Atlantique. Et l’ambition de Jocelyn Bouyssy, décrété ambassadeur du “made in France” dans le septième art, s’étend au-delà : “je veux imaginer une seconde version d’ICE, offrant de nouvelles options aux spectateurs.”