Carol Getaz et son mari, un couple de Suisses avec deux enfants, avaient acheté en 2014 une maison de vacances à Woodstock, dans l’Etat de New York, alors qu’ils vivaient à Brooklyn.
Pendant deux ans, la famille y allait pour des week-ends jusqu’au jour où Carol Getaz dit avoir eu “un coup de foudre” pendant des vacances. “Être dans cette maison était une bouffée d’air frais énorme. Nos enfants de 5 ans et 9 ans jouaient dans le jardin. Un jour, à la fin de l’été, j’ai déposé mon mari à la gare car il retournait à New York pour travailler (Carol Getaz, ancienne employée dans le secteur du tourisme, ne travaille pas, NDLR). Il y a eu un déclic à ce moment-là. Du jour au lendemain, on s’est décidé à venir habiter dans cette maison de week-end.”
Le couple quitte ainsi New York après 11 ans passés dans cette ville. “On en avait bien profité. On était prêts pour ce grand saut, ajoute Carol Getaz. A Woodstock, on a gagné en qualité de vie. Il y a moins de stress et davantage d’espace. On peut maintenant recevoir nos familles et nos amis. Et en termes financiers, la différence est incroyable lorsque l’on fait les courses ou que l’on va au restaurant.”
Décider de quitter une ville aussi symbolique que New York, avec sa frénésie, son énergie et ses possibilités de sorties infinies, ne va pas de soi pour nombre d’expatriés, pour lesquels le cachet de vivre dans la Grosse Pomme vaut bien quelques sacrifices financiers ou matériels. Cela a pourtant été le choix des Getaz et d’autres immigrés.
Au 1er janvier 2018, 21 % des 36.700 Français enregistrés au consulat de France de New York résidaient dans le Nord de l’Etat. 12 % d’entre eux avaient par ailleurs opté pour la zone du New Jersey située à proximité de la ville, et 9 % pour le Connecticut. Ces chiffres ne prennent cependant pas en compte les Français qui ne sont pas inscrits au consulat, dont le nombre s’élèverait à 45.000 dans la circonscription de New York (Etats de New York, New Jersey, Connecticut, Bermudes), selon des estimations.
“Immobilier abordable, essence moins chère et adieu la City tax”
Au-delà du coût moins élevé du panier de courses, ce sont surtout les prix de l’immobilier qui attirent les anciens New-Yorkais dans les petites villes aux alentours de la mégapole. Pour Sarah Planchon, jeune femme de 28 ans qui a également déménagé à Woodstock, partir de New York était la solution pour surmonter les difficultés financières.
Il y a deux ans, elle et son mari, tous deux travailleurs indépendants, louaient un appartement à Harlem avec vue sur Central Park pour 3.000 dollars par mois. “C’était beaucoup trop cher. On n’y arrivait plus, on ne gagnait pas assez d’argent“, indique celle qui vivait alors à New York depuis presque neuf ans. Le couple, dont les deux gros chiens les empêchaient de louer un autre appartement dans de nombreux immeubles, décident d’acheter mais déchantent rapidement. “On a été très choqués par les prix. On cherchait un petit 2 pieces vers Bed-Stuy, à Brooklyn, et cela coûtait 600.000, 700.000 voire 900.000 dollars. Ce n’était pas possible pour nous.”
Ils se tournent finalement vers Woodstock, petite ville de 6.000 habitants accessible en bus, où le mari de Sarah Planchon, franco-américain, a de la famille. Ils y font l’acquisition, en juin 2016, d’une maison avec trois chambres, un vaste salon et un grand jardin pour 400.000 dollars.
Severine, une Français de 38 ans qui n’a pas souhaité dévoiler son nom de famille, ne donne pas de détails quant au prix de sa maison située à Suffern, une bourgade de 11.000 habitants dans le comté de Rockland, mais elle estime avoir fait une bonne opération financière en l’achetant. “L’immobilier est abordable. Rien qu’en taxes et en maintenance, je paie moins que pour mon appartement à Chelsea dont j’étais locataire, juge-t-elle. Et je ne paie plus la City tax (l’impôt de la ville de New York, NDLR).” Et ce n’est pas tout. “Ce matin, j’ai vu des biches dans mon jardin enneigé, raconte Severine. Puis je suis arrivée à Manhattan (où elle travaille toujours, NDLR), j’ai pris le métro et j’ai vu des rats…”
Avoir la nature au pas de sa porte a changé les habitudes de Severine. Adepte de la salle de sport à New York, elle a découvert à Suffern les joies de la randonnée. Quant à sa fille, elle s’est mise à l’équitation. Et les amis de New York ? “Avec mon mari, on craignait d’être souvent seuls les week-ends lorsque l’on a déménagé. On pensait qu’on allait moins voir nos amis, mais en réalité, c’est le contraire. Les gens me demandent “t’es là-haut ce week-end?, et ils viennent.”
À Woodstock, Sarah Planchon a elle aussi découvert un nouveau style de vie. Celle qui travaillait autrefois pour des agences de casting s’est désormais créé un atelier dans son garage. Elle a mis sur pied il y a quelques mois “Le pont des arts Woodstock“, des activités pour enseigner le français aux enfants à travers le théâtre et des jeux. Pour elle, fini le rythme “métro boulot métro”, comme elle dit. “Je profite de la nature. Je prends mes chiens et je pars en rando.”
Cette reconnexion avec la nature peut toutefois pâtir du changement des saisons. Audrey Sebbane, une Française de 43 ans et mère de trois enfants, en a fait l’expérience. Elle a déménagé avec sa famille à Rye en septembre 2017, une ville du Comté de Westchester bordant l’océan. Si la proximité de l’eau l’a ravie lors de l’été indien, le premier hiver dans cette ville de 15.000 habitants est un peu rude. “Quand on a emménagé, il faisait beau, on pouvait aller se promener. Mais là, en janvier, c’est différent…“, dit-elle simplement. “Je découvre aussi les petits inconvénients d’une maison quand il fait froid, moi qui ai toujours vécu en appartement.”
“New York me manque énormément”
Déménager “upstate” n’était pas dans les projets d’Audrey Sebbane. Il y a plusieurs mois, la situation professionnelle de son mari a changé : il est passé d’un statut d’expatrié à contrat local. “On était jusque-là aidé pour le logement et l’école privée bilingues des enfants. En perdant ces avantages financiers, on a dû accepter de rétrograder notre style de vie“, témoigne-t-elle. Le couple a jeté son dévolu sur Rye en partie en raison du “bon niveau de ses établissements scolaires publics“. Pour cette femme qui veut faire sa vie aux Etats-Unis, ce choix en vaut la peine mais il est pour l’instant vécu comme un sacrifice.
“New York et son énergie me manquent énormément, avoue Audrey Sebbane, qui ne travaille pas. Pour l’instant, je vois principalement les mauvais côtés de cette nouvelle vie. Par exemple, tout se fait en voiture, or j’adore marcher.” Sa fille de 14 ans a d’ailleurs perdu l’autonomie dont elle commençait à jouir à New York. “Elle pouvait prendre le métro toute seule, désormais elle dépend de moi. Ce n’est plus la même dynamique.” Le mari d’Audrey Sebbane a quant a lui dû avancer l’heure de son réveil : il prend tous les matins le train de 6h15 pour aller travailler à New York.
Durant les trois premiers mois de sa vie à Suffern, Severine aussi se rendait à New York tous les jours. “C’était épuisant”, commente celle qui travaille dans la communication. Elle a donc décidé de reprendre un logement à la location à Manhattan. “Je passe la semaine à New York, où j’ai la majeure partie de ma vie sociale, et les week-ends dans ma maison de Suffern, que je considère comme mon vrai chez moi.” Une solution idéale selon elle.
Pour celles qui n’ont pas cette possibilité, New York reste accessible de manière ponctuelle. Carol Getaz y retourne régulièrement, notamment pour la vie culturelle. Elle ne cache pas une certaine nostalgie par rapport à sa vie new-yorkaise. “Parfois le côté spontané de la ville me manque. Avec mon mari, on ne peut plus par exemple décider au dernier moment de prendre une baby-sitter pour aller à un concert“, regrette-t-elle. Elle aussi a dû faire une croix sur l’enseignement bilingue pour ses enfants, et plus largement sur l’environnement francophone dans lequel elle baignait à Park Slope, le quartier de Brooklyn. “Nous fréquentions beaucoup d’expatriés français, mais ici ils sont très rares. Alors j’essaie de convaincre mes amis de déménager près de moi“, rit-elle.
Pour compenser, cette quadragénaire s’est impliquée localement dans ce nouvel environnement “beaucoup plus américain“, notamment via l’école de ses enfants.Elle est arrivée à Woodstock au moment de l’élection présidentielle de 2016. “Il y a eu un grand mouvement de solidarité envers les réfugiés qui arrivent dans la vallée de l’Hudson, évoque Carol Getaz. J’ai l’impression qu’il y a certaines choses que je ne voyais pas en vivant dans une ville éclectique comme New York. Désormais, j’ai le sentiment de mieux comprendre ce que traverse ce pays.“
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Quoi? Il y des gens qui vivent en dehors de N’Y? Vous êtes surs? Et ils ne sont pas dépressifs?
Ah Ah! Après avoir quitter les bobos parisiens, je les retrouvent à Ny…
From NJ with love!