Cela fait un peu plus de 24 heures qu’Olivier Py a atterri à New York et il faut déjà aller l’extraire d’une salle de répétition pour le rencontrer. À une semaine de la première de sa pièce « The Young Girl, the Devil and The Mill », qui sera jouée les samedi 2 et dimanche 3 mars au FIAF Florence Gould Hall, le dramaturge français et directeur du prestigieux festival d’Avignon a le calme des gens qui en ont vu d’autres.
Lorsqu’il a été approché il y a un an par le French Institute Alliance Française (FIAF) et les Services culturels de l’ambassade française pour exporter sa pièce – la première qu’il ait écrite il y a trente ans – dans le cadre du TILT Kids Festival, celui qui se reconnaît un « tropisme américain » n’a pas hésité.
Ce texte, une pièce musicale d’après un conte de Grimm, raconte l’épopée d’une jeune fille qui se fait couper les mains par son père et cherche une paire de substitution dans un récit poétique et énigmatique adressé aux enfants.
« La Jeune Fille, le Diable et le Moulin » a déjà été traduite en espagnol et voyagé en Argentine, mais cette version anglaise est une première. « J’aime m’entendre dans une langue étrangère, confie l’auteur de sa voix précise et flûtée. L’anglais est plus rapide, plus changeant, plus énergique que le français », poursuit ce fan de Shakespeare, dont on ne compte plus les mises en scène d’opéras (traditionnellement dirigés en anglais) et les quelque 40 réalisations anglophones.
Au-delà de la traduction réalisée par Nicholas Elliott, « The Young Girl, the Devil and The Mill » a représenté un challenge: celui de monter la pièce à cheval entre les deux rives de l’Atlantique. Les castings, effectués aux Etats-Unis, ont été particulièrement difficiles. « Il y a eu deux castings qui ont été très longs et très compliqués parce qu’il fallait trouver des acteurs qui étaient aussi musiciens ». Le dramaturge est venu aux Etats-Unis « trois ou quatre fois en tout » pour préparer la pièce.
« Ce qu’on fait, ça n’a l’air de rien mais c’est un petit opéra ! », sourit-il tandis qu’une mélodie mutine tintinnabule sourdement dans la salle de répétition voisine.
Faut-il comprendre que les acteurs américains ont plus de mal à s’adapter à une œuvre d’origine française ? « Dire que les acteurs sont différents en fonction de leurs nationalités, je n’y crois pas du tout, tranche le boulimique de théâtre, un peu agacé. Pour moi, il n’y a que des artistes. Il n’y a pas un conditionnement national qui changerait l’acteur. »
Si l’acteur-accordéoniste, dont l’instrument est résolument plus français qu’américain, a été dur à dénicher, Olivier Py a finalement trouvé ses perles rares : Alex Burnette, Nadia Duncan, Whit K. Lee et Ben Rauch, dont il salue l’efficacité et le professionnalisme avec seulement trois semaines de répétitions.
Sans compter que le public en culotte courte est exigeant. « Tant qu’à parler aux enfants, il faut leur parler de la mort, du désir, de la violence du monde, de la violence faite aux femmes, de la violence faite aux enfants… il faut leur parler de ça », insiste l’aguerri des planches, qui « aime écouter les conseils des enfants » sur ses œuvres. Il précise bien sûr que la violence sur scène est, la magie du théâtre aidant, représentée avec poésie.