Au menu économique de cette semaine, les journaux américains nous ont réservé une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que la France échappe de peu à la récession qui frappe de plein fouet ses voisins européens. Vous retrouverez tous les chiffres de la (non)croissance du Vieux Continent dans un article de Forbes daté du 14 novembre, qui titre sur le PIB français qui, contrairement à toutes attentes, a progressé de 0,1% au cours de ces derniers mois.
Un sursis avant la tempête, selon Leila Abboud du Wall Street Journal, qui explique que la France n’échappera pas encore longtemps au marasme économique. Elle suit le parcours d’un ouvrier-peintre de l’usine Renault au Havre dont le salaire a plongé de 30% depuis le mois de septembre. Plus d’argent pour les loisirs, moins d’argent pour les courses, voilà désormais son quotidien. A l’échelle nationale, cela fait craindre une baisse inévitable et attendue de la consommation, avec à la clé tout le circuit économique qui se retrouve dans le rouge: le profit des entreprises, le budget de l’État, les salaires, et en bonus des vagues de licenciements. Le journal tire une leçon de l’exemple français: même un pays où les banques ont été relativement épargnées par la crise financière, doit aujourd’hui subir des conséquences qui dépassent largement le petit monde de Wall Street.
Si l’économie française se porte mal, nous pourrons au moins nous consoler avec nos agences de renseignements, qui, aux dires du Miami Herald, sont un modèle d’efficacité et de sophistication. Selon Dion Nissenbaum, la politique sécuritaire de la France réussit là ou celle des États-Unis a échoué: d’abord, en refusant “la guerre contre le terrorisme” et en ce concentrant sur “la lutte“, c’est-à-dire sur des moyens non militaires pour contrer les terroristes; ensuite, en instaurant un système transparent objet d’un consensus social unanime; et enfin, en étendant le domaine de la loi. Le journaliste souligne ainsi qu’il n’y pas en France “de fossé entre la légalité et l’efficacité“, et notre doux pays serait ainsi la preuve que l’on lutter contre la menace islamiste sans tomber dans un système opaque de prisons secrètes.
Au chapitre politique, un éditorial de Knox News Sentinel, quotidien aux penchants conservateurs du Tennessee, revient sur “l’adulation” des Français pour Barack Obama. Certes le monde entier a salué son élection, mais l’éditorialiste se moque des réactions enflammées qu’elle a soulevé particulièrement en France. Et il ironise: “c’est bien que la première fois que la France nous remercie pour quelque chose“. L’article n’est d’ailleurs pas loin de tomber dans la caricature du français intrinsèquement et génétiquement anti-américain, et conseille de profiter de cette admiration tant qu’elle dure. Les français risquent en effet de se remettre à bouder le nouveau président, comme ils l’ont fait avec Bush, si ce dernier ne sait pas reconnaitre “la grandeur de la France“.
En France, et en Europe, passée l’excitation, vient le temps des réflexions titre un article du New York Times sur la victoire d’Obama. Cette dernière soulève des controverses sur le modèle d’intégration européen: un président noir pourrait-il être élu sur le Vieux Continent? Rien n’est moins sûr, pour Steve Erlanger. Les Français ont toujours eu tendance à penser que les minorités aux États-Unis étaient bien moins intégrées que de leur coté de l’Atlantique. Ils prennent aujourd’hui une claque, car une telle réussite sociale comme celle de Barack Obama est encore impensable: il n’y a qu’un seul député noir à l’Assemblée Nationale (hormis les représentants des DOM-TOM) et Rama Yade se décrit elle-même comme “une douloureuse exception”. Pour les immigrés français, le nouveau président élu représente ainsi l’espoir d’une méritocratie achevée, ou seul le travail compte pour progresser sur les barreaux de l’échelle sociale. Beaucoup espèrent un “effet Obama” ici en France. Mais le journaliste rappelle que même aux États-Unis le parcours d’Obama fait figure d’exception. Toujours est-il que la France a désormais réalisé son retard. Elle se trouve aujourd’hui à moment crucial ou elle est amenée à repenser son identité pour les générations futures.
Le Washington Post, n’épargne pas la France. Sous le feux des critiques, on retrouve Nicolas Sarkozy, dont l’action sur la scène internationale est décrite comme “précipitée et désordonnée“. A trop vouloir pointer du doigt des coupables et vouloir tout régler tout de suite, il lui est reproché de soulever beaucoup d’air pour pas grand chose, à part se gonfler lui-même d’une importance qu’il ne mérite pas. Car selon l’éditorialiste, le sommet du G20 risque fort de ne pas déboucher sur une réponse globale à la crise financière, pour la simple et bonne raison, qu’en pleine transition électorale, les États-Unis ne s’y sentent guère impliqués. Il reproche au président français de ne pas avoir compris que Bush, deux mois avant son départ de la Maison-Blanche, n’était qu’un lame-duck réticent face aux efforts européens pour une nouvelle régulation mondiale.
Le réalisme et la sagesse devrait suggérer à Sarkozy d’attendre l’entrée en fonction d’Obama, qui souhaitera, quelques soient les circonstances et en sa qualité de nouveau président américain, imprimer son sceau sur l’économie mondiale.
Heureusement que Christine Lagarde est là, analyse Nelson D. Schwartz dans le New York Times du 13 novembre, puisqu’elle agit comme un frein là ou Sarkozy s’emballe. Le journaliste dresse un portrait élogieux de la ministre de l’économie, soulignant ses affinités avec le monde anglo-saxon: elle parle couramment un anglais sans faute, qualité rare parmi ses compatriotes français, a vécu six ans aux États-Unis, a travaillé la majeure partie de sa carrière dans le secteur privé et est acquises aux idées libérales de Washington. Elle plaide pour une action coordonnée et réfléchie lorsque son président cherche lui à se dresser seul face aux américains. Un rôle de médiateur qui lui va comme un gant selon le journaliste, qui souligne son sens naturel du flegme américain allié à une politesse bien française. Il loue chez elle une ouverture d’esprit, qui manque apparemment à beaucoup de français, et n’oublie pas de rappeler qu’elle est d’ailleurs mal-aimée chez nous. En effet, nous serions naturellement très suspicieux d’une personne parlant bien anglais.