Ça lui a pris plus de temps que prévu quand il a quitté Paris, il y a deux ans. Mais le peintre, graphiste et photographe français Eric Débris va avoir une exposition bien à lui à partir de ce week-end à Austin.
C’est la Romani Gallery, connue pour des évènements tels que la récente exposition d’artistes LGBT Flannel & Glitter, qui accueille les clichés du chanteur du groupe de punk mythique Métal Urbain. Les samedis 23 mai et 6 juin en soirée et l’après-midi du mercredi 27 mai, on pourra donc évoluer dans l’univers pop tout en noir, blanc et rouge du Français, où des références au rock, au magazine Détective, à la moto ainsi qu’une bande de nounours contribuent parfois au caractère provoquant de ces nus et stimulent l’imaginaire.
Rien d’ excessivement inapproprié donc pour Eric Débris, même pour un jeune public. « Quand des enfants ont eu l’occasion de voir mes installations, ils les ont abordées avec plus de naturel que les adultes. Mais quand j’ai commencé à proposer mes clichés à des galeries américaines, le seul retour que j’ai eu, est : ‘mais pourquoi il y a une femme nue au milieu de votre installation ?’. Il n’y a qu’à Miami qu’on voit des choses proches de ce que je fais. Le puritanisme des Etats-Unis fait que la censure est plus officielle ici. Mais de nos jours, c’est à peu près la même chose à Paris. Il n’y a pas de nus dans les galeries. La censure s’est imposée là où ne l’attendions pas, sur internet : Facebook, Blogger… même Vine ont interdit le nu. »
En réaction, et en parallèle de la réalisation d’une série de Teddy bears-hommages à des stars de l’art (Teddy Koons, Teddy Mozart, Teddy Warhol…), Eric Débris envisage donc d’aller plus loin dans la provocation. « Allons-y pour de vrai ! Je me suis mis à la recherche de modèles qui sont toujours des modèles de portraits, qui ont une vraie expression, mais qui acceptent aussi de montrer plus, pour faire des photos plus suggestives que celles que je fais aujourd’hui, mais vais les habiller de carrés colorés sur les parties intimes. » Une nouvelle forme d’installation artistique sous forme d’auto-censure « à la japonaise », dans la droite ligne du pop art, et une féroce critique de la censure.
Cette nouvelle série représenterait aussi l’intérêt de ne pas nécessiter toute une installation artistique et de pouvoir se vendre sous de plus petits formats. Car « en dehors du nouveau Pop Market éphémère, il n’y a pas vraiment d’espace néo-pop à Austin et il n’est pas possible d’exposer de grands formats. » Pourtant, « il y a un marché pour cela, avec tous les condos de luxe qui voient le jour dans le centre-ville d’ Austin. Leurs propriétaires les décorent et on peut faire d’Austin le nouveau Miami, estime Eric Débris. Mais l’art contemporain a besoin d’être présenté, introduit. »
Alors en attendant « une vraie galerie » pop qui lui permettrait d’engranger des recettes (car « chaque fois que j’ai exposé dans ces conditions, j’ai vendu des pièces »), Eric Débris mixe des albums pour le label indépendant de Los Angeles Cleopatra Records. Car cet artiste multiple également connu sous le nom de DoctorMix est aussi un DJ rock. On peut se déhancher au son de ses mixs tous les vendredis soirs à Aviary Decor, sur South Lamar. Et DoctorMix propose aux groupes français de venir enregistrer avec lui à Austin : une nouvelle façon pour Eric Débris de tisser des liens entre la France et les Etats-Unis, où il a très régulièrement tourné avec Métal Urbain jusqu’en 2006.