C’est dans une petite rue du quartier du Marais à Paris que se cache l’entrée discrète du magasin éphémère de la marque French Abroad. En devanture, un t-shirt affiche fièrement : « Not arrogant, just French » (« Pas arrogant, juste français »). Le ton est donné. À l’intérieur, quelques portants soigneusement organisés, des étagères minimalistes, et des touristes américaines qui essaient les créations de cette jeune marque.
Derrière French Abroad, il y a Christian Lobet. Son histoire commence en 2016, bien loin des rues parisiennes, lors d’un séjour linguistique à Toronto, au Canada. À l’époque, cet étudiant français en commerce international veut renforcer ses bases d’anglais et choisit l’immersion à l’étranger. « La France me manquait terriblement, mais j’étais fasciné par le patriotisme des Canadiens : les drapeaux sur les maisons, leur fierté de leur culture. Je ressentais cette même fierté, en tant que Français mais j’avais plus de mal à l’exprimer. » Une fierté qui, chez lui, restait bridée par les connotations politiques du drapeau tricolore. Il réfléchit alors à une façon de réconcilier cette identité avec un esprit ouvert et décomplexé.
C’est finalement un exercice, en apparence anodin, qui va tout changer. Lors d’un cours, un des professeurs de Christian Lobet lance une discussion autour du rêve. Chaque élève est invité à prendre la parole à tour de rôle afin de partager ce à quoi il aspire pour le futur. Christian Lobet, pris au dépourvu mais passionné de mode, improvise : « J’aimerais lancer une marque de vêtements qui ferait la promotion de la France à l’étranger ». Des mots qui auraient pu rester sans suite mais qui trouvent un écho tout particulier auprès de sa camarade de classe chinoise qui l’encourage immédiatement : « Mais c’est génial comme idée ! Fonce, vas-y, tu peux le faire ! » Des mots qui l’ont marqué, confesse-t-il avec émotion. « J’ai été surpris par son enthousiasme pour le moins contagieux. Huit ans plus tard, son enthousiasme et sa foi en moi continuent de me porter ».
Ce soir-là, en rentrant chez lui, l’étudiant en commerce international plonge dans l’univers de YouTube et regarde des dizaines de vidéos avec pour but d’apprendre à créer une marque de vêtements. La graine est plantée. Mais six mois après son arrivée au Canada, il est contraint de rebrousser chemin. Son père est malade et il veut être à ses côtés à Paris pour le soutenir. Son projet ne le quitte pas pour autant. En mai 2022, il passe à l’action avec une campagne de financement participatif lancée sur la plateforme Ulule. En quelques semaines seulement, pas moins de quarante contributeurs sont réunis et 5.000 euros récoltés. « Ce n’est pas grand-chose, mais à l’issue de cette campagne, j’ai réalisé que j’avais en fait réussi mon premier test client, explique-il avec fierté. J’étais prêt à lancer French Abroad. »
Au lancement de la marque, trois articles sont proposés : le sweat-shirt « Oui Oui », le t-shirt « Not Arrogant Just French », ou « Excuse My English » (abandonné depuis) ou encore la casquette « Not on strike today » (« Pas en grève aujourd’hui »). Rapidement, l’entrepreneur est contacté par les Galeries Lafayette qui lui proposent deux pop-up au sein de leurs magasins du boulevard Haussmann à Paris. « Ça a été un sacré coup de projecteur pour nous et la suite de 2023 a permis de concrétiser tout ceci. On a fait une vidéo sur les réseaux sociaux qui est devenue virale. On a travaillé avec des influenceurs, comme AT Frenchies et Frenchlylo qui m’ont énormément aidé. Et puis, ça y est, on était vraiment lancé ! » French Abroad conquiert notamment les Américains de passage à Paris ainsi que les Français de l’étranger, en particulier ceux d’Amérique du Nord.
Mais Christian Lobet ne s’arrête pas là. En décembre 2023, il écrit une lettre au chef de l’État, Emmanuel Macron, accompagnée d’un pull « Not Arrogant Just French » qu’il lui adresse en cadeau de Noël. Contre toute attente, il reçoit une réponse dans laquelle le président français salue son « engagement en faveur d’une production française, qui contribue à promouvoir le savoir-faire » de la France.
En août dernier, French Abroad a reçou sa première grosse commande du Bon Marché : une reconnaissance majeure qui confirme le potentiel de la marque. Les ambitions sont grandes. « Je veux que French Abroad devienne une marque de référence pour tous ceux qui souhaitent porter un bout de France avec eux, que ce soit les Français de l’étranger, les futurs expats mais aussi les touristes », explique Christian Lobet. Inspiré par des marques comme New York or Nowhere, Christian imagine French Abroad suivre une trajectoire similaire. « Ils ont transformé le souvenir en un produit premium. Notre stratégie marketing est proche, et je suis convaincu que nous pouvons atteindre des sommets comparables. »
Il envisage de multiplier les magasins éphémères dans des villes dans lesquelles réside une importante communauté française aux États-Unis, comme New York ou Los Angeles, ainsi que d’ouvrir sa propre adresse de magasin. « Mon objectif est d’élargir notre impact en 2025 et 2026, tout en restant fidèles à nos racines. » Avec French Abroad, Christian Lobet ne vend pas seulement des sweats ou des t-shirts, il raconte une histoire, celle d’une fierté décomplexée et ouverte, d’un pont entre cultures. Avec beaucoup d’humour… bien français.
Pop-up store French Abroad, 15 rue Debelleyme dans le 3e arrondissement de Paris, jusqu’à début janvier. Commandes en ligne ici