750 kilomètres d’entrainement, une dizaine d’ampoules, deux paires de chaussures, une épouse patiente, il en a fallu de la détermination pour en arriver là.
J’ai encore du mal à croire que dans trois jours je serai a Staten Island pour prendre le départ de mon premier marathon ! Je sais que cela peut sembler curieux, mais dans mon esprit le plus dur est derrière moi, il ne me reste plus qu’à profiter de cette expérience incroyable.
Voilà le mot clef, « expérience ». A chaque fois que je demande à mes amis de me raconter leurs meilleurs souvenirs du marathon, ils me répondent toujours avec une voix pensive : « Ah New York, c’est indescriptible, il faut le courir pour comprendre ». Survient alors une admiration mêlée de jalousie, ils sont avec de glorieux fantômes, je veux les rejoindre ! J’y trouve une certaine motivation, j’espère que cela m’aidera lorsque je serais confronté au fameux mur des 30 kilomètres.
Pour le moment j’essaye de bien dormir, de bien manger, et de ne pas trop penser à mes objectifs chronométriques. Mon rêve serait de terminer en moins de 3h30, mais je sais que pour une première, c’est pratiquement impossible. Je me suis donc résigné à viser 3h40. Ah pardon, j’avais promis de ne pas parler du chrono.
Je vais m’élancer à 9h50, je devrais donc terminer autour de 13h30, c’est fou de ce dire que je vais courir pendant tout ce temps ! A l’entraînement, je n’ai jamais fait plus de 30 kilomètres d’une traite, c’est trop mauvais pour l’organisme. Oui, je sais, ça en dit long sur les conséquences d’un marathon.
Cette course sera un périple vers l’inconnu, je suis vraiment curieux de savoir comment mon corps va réagir, je crois qu’il sera surpris le pauvre. Je ne sais pas à quoi je vais me raccrocher, ma famille en France, mes proches au bord de la route, l’argent que j’ai levé via ce marathon pour Surgeons of Hope, les pas du coureur devant moi, au fond peu importe, je m’engage publiquement, je finirai coûte que coûte !
Ce matin je me suis promené à Central Park, c’était formidable. On sentait que toutes les forces se concentrent pour le grand jour, comme à la veille d’une grande bataille. Il y avait des coureurs du monde entier, j’entendais du russe, de l’allemand, ils semblaient heureux, curieusement optimistes. Peu importe ce qu’ils disaient, j’avais envie de les croire.
Je me suis dirigé vers Columbus Circle, la ligne d’arrivée sera juste là, devant moi. Je voulais m’imprégner des lieux, comme pour profiter du moment qui, je le sais, sera trop court Dimanche. J’entendais presque le speaker, la foule, je pouvais deviner la douleur des milliers de coureurs qui ont foulé ce bitume, je les enviais. Je m’imaginais franchissant la ligne, souriant, main dans la main avec mes guides, mais au fond, je sais combien c’était absurde. La vérité sera probablement laborieuse, peut-être même hideuse, mais non moins glorieuse.