« Je viens ici pour reprendre espoir », a lancé Haim Korsia, ce jeudi soir, à la Park Avenue Synagogue de New York.
Environ 250 personnes étaient venues écouter le Grand Rabbin de France, qui s’exprimait devant un public américain et français. Accueilli par des enfants chantant la Marseillaise, il était accompagné par le maire de New York, Bill de Blasio.
Dans un contexte particulièrement chargé – depuis l’attaque contre l’Hyper Cacher à Paris, jusqu’aux profanations de tombes en Alsace, et aux appels à l’Alya de Benjamin Netanyahu – le Grand Rabbin a tenu un discours fédérateur, et appelé à la résilience, dressant un parallèle avec l’esprit de renouveau qui a traversé l’Amérique au lendemain des attentats du 11 septembre. « J’espère que nous allons pouvoir rêver à nouveau, et construire des ponts qui seront plus forts que les murs. »
Pas question de tourner le dos à la République – la France sans les juifs n’est pas la France, a-t-il rappelé plus tard dans une conférence de presse, répondant aux propos du premier ministre israélien, appelant les juifs d’Europe à trouver refuge en Israël. « La France est un pays libre. Il est dangereux que quelqu’un quitte la France par peur (…) Le président François Hollande et Manuel Valls se sont engagés pour garantir la sécurité des juifs de France », a-t-il martelé.
Le discours n’a pas surpris Mélanie Ohana, une Française qui vit à New York, rencontrée dans les allées de la synagogue. « Il a une grande confiance dans la République. Il fait bien passer le message que les autorités de l’Etat peuvent protéger les juifs de France. Il n’appelle pas à faire une Alya. On sentait qu’il était ému, il a su relayer les inquiétudes de la communauté avec humour et sympathie, ce qui ne gâche rien. »
Le discours d’Haim Korsia, tenu dans un anglais hésitant et un micro peu puissant, était en tout cas plus modéré que celui de Bill de Blasio. Qui lui a volé la vedette avec ses talents d’orateur. Le maire de New York, qui s’était déplacé à Paris à la suite des attentats du mois de janvier, a dénoncé avec fracas un certain climat « d’indifférence » vis à vis de l’antisémitisme en Europe, qui a conduit à la « tragédie » du mois de janvier.
« Tout cela suggère que quelque chose n’a pas été appris de l’histoire », a-t-il déclaré. « Aucune communauté juive en Europe ne devrait avoir à mendier pour obtenir sa sécurité, a-t-il dit sous les applaudissements. L’Europe devrait créer une atmosphère de responsabilité ».
« La raison pour laquelle je suis allé à Paris, c’est que nous, Américains, nous avons le devoir de dire aux Européens que nous ne pouvons pas accepter cela, que l’indifférence est dangereuse (…) Nous vivons un tournant historique, et c’est le moment de dire que nous n’aimons pas la façon dont les choses évoluent. »
« J’ai préféré le discours de Bill de Blasio », a tranché Benjamin Canet, membre de l’organisation United Jewish Appeal, qui vit depuis 13 ans aux Etats-Unis. « J’ai compris le message de fraternité du Grand Rabbin… Mais dans les faits, si le gouvernement dit des choses, les actions ne suivent pas. En France, les opérations de protection vis à vis des synagogues et des écoles juives vont diminuer, et ca c’est inacceptable. Je ne veux pas promouvoir l’Alya comme une réponse à la peur, mais je crois qu’il faut que la sécurité soit traitée de façon sérieuse ».
Un avis partagé par Julia Shapps, une Américaine et membre active de cette Synagogue de l’Upper East Side. « Je suis inquiète de ce qui se passe en Europe. La situation est urgente, il y a un climat de peur », glisse-t-elle. « Nous aussi nous avons des gardes devant nos écoles. On s’y habitue, il deviennent une partie de la famille. Et nous nous sentons en sécurité. »
Avant de repartir en France, le Grand Rabbin animera à NYU une conférence ouverte au public, ce dimanche à 7pm. La rencontre est organisée par l’Association des Juifs Français en Amérique du Nord, et les intéressés peuvent prendre leur ticket ici.