Il fut un temps où les touristes de New York pouvaient pénétrer dans la torche que brandit à bout de bras la Statue de la Liberté. Cette étroite partie de la colossale sculpture, hissée à 93 mètres de hauteur, était, à la fin du XIXe siècle, accessible via une échelle de 54 échelons située à l’intérieur de la structure. Depuis plus de cent ans, pourtant, il est interdit d’y pénétrer.
Cette interdiction remonte plus particulièrement au 30 juillet 1916. Cette nuit-là, New York est secouée par une violente explosion survenue à Black Tom, un dépôt de munitions de Jersey City, situé de l’autre côté du fleuve Hudson. “50 tonnes de TNT et 100.000 tonnes de munitions, qui étaient stockées sur les lieux, ont explosé”, explique Kevin C. Fitzpatrick, historien et auteur du livre World War I New York (Globe Pequot).
Une dizaine de personnes sont tuées. L’explosion souffle les vitres du sud de Manhattan, provoque l’effondrement du plafond du bâtiment d’Ellis Island – l’île par laquelle transitaient alors les immigrants avant de débarquer sur le sol américain -, et la déflagration est entendue jusqu’à Philadelphie, située à 150 kilomètres de là. Le bras et la torche de la Statue de la Liberté, qui se trouve tout près, sont également endommagés. “Au total, les dégâts de l’édifice se chiffrent à 100.000 dollars, ce qui représenterait 2,2 millions de dollars aujourd’hui”, précise Kevin C. Fitzpatrick.
Au moment de l’explosion, la Grande Guerre faisait rage depuis deux ans, mais les États-Unis étaient encore officiellement neutres dans le conflit. Ils fournissaient cependant des munitions à l’Angleterre.
“Cette explosion a été attribuée à un acte de sabotage perpétré par des espions allemands, mais aucun coupable n’a jamais été identifié ou arrêté, ajoute l’historien. Cet évènement a été l’un des éléments déclencheurs qui ont poussé les Etats-Unis à entrer en guerre. Il s’agit de la plus importante attaque terroriste perpétrée par des forces étrangères sur le sol américain, en dehors du 11-Septembre.”
Après la fin de la guerre, l’Allemagne a été reconnue responsable de l’explosion de Black Tom et a dû indemniser les États-Unis pour les réparations. La torche de la Statue de la Liberté fut remplacée en 1986 mais l’accès, jugé trop risqué, n’a jamais été rétabli. La structure originale se trouve désormais au musée de la Statue de la Liberté.