La soprano Natalie Dessay sera en concert au Carnegie Hall le mercredi 26 avril pour présenter, avec le pianiste Philippe Cassard, un récital de Schubert. À peine arrivée du Japon où elle a fait trois concerts, elle répond à nos questions.
Votre dernier album, “Schubert“, est votre tout premier récital en Allemand, pourquoi vous êtes vous tournée vers ce compositeur ?
Tout d’abord parce que je suis germanophone, c’est une langue que j’ai côtoyée assez tôt et que je n’ai jamais vraiment quittée. Ce projet n’arrive que maintenant car je crois que j’avais besoin de gagner en maturité intérieure, émotionnelle, musicale et poétique. Et puis enfin, si j’ai choisi Schubert c’est parce que je crois que tout alpiniste doit tenter l’ascension de l’Everest, et que tout chanteur classique doit s’essayer à chanter Schubert.
Dans cet album, quatre lieder sont habituellement destinés aux voix d’homme (Erlkönig, Die Stadt, Liebesbotschaft, Die Götter Griechenland’s), est-ce que ces morceaux ont été difficiles à appréhender ?
C’est vrai que ces lieder sont habituellement chantés par des hommes, mais ce sont des poèmes et je crois que la poésie appartient à tout le monde. Techniquement, un de ces lieder était particulièrement intense, il s’agit d’“Erlkönig” (“le Roi des Aulnes”) où je chante quatre personnages qui sont à des âges différents, c’est donc tout un travail sur les intentions et les émotions.
Sur cet album, vous travaillez une nouvelle fois avec le pianiste Philippe Cassard, comment avez-vous commencé à travailler ensemble ?
On s’est rencontré il y a 6 ou 7 ans. Il est venu me voir avec des manuscrits de Debussy, ça a évidemment piqué ma curiosité et il voulait absolument que nous travaillions ensemble sur cette musique.
Comment est-ce que vous appréhendez le concert à New York, au Carnegie Hall ?
C’est une salle mythique mais j’essaye de ne pas trop y penser et de foncer, pour ne pas être trop tendue. Je reviens du Japon où nous avons fait trois concerts, puis après une passage au Canada, nous irons en France pour achever la tournée en beauté au théâtre des Champs Élysée le 14 mai.
Il y a à peine cinq mois vous aviez déjà sorti un nouvel album : “Picture of America”…
Oui, mais l’album est tout à fait différent puisqu’il s’agit de chansons “au micro”. Il faut dire qu’au départ ce n’était pas mon projet ; c’est Claire Gibault avec son “Paris Mozart Orchestra” qui est venue me trouver et qui avait déjà commencé un travail pour lier les tableaux d’Edward Hopper, les textes de Claude Esteban et la musique de Graciane Finzi. Par la suite, j’ai proposé de choisir dix autres tableaux de Hopper et d’y laisser courir mon inspiration.
Vous ne vous contentez pas de chanter, vous jouez aussi, vous vous définissez comme “une actrice qui chante” et vous êtes d’ailleurs au théâtre en ce moment.
Le théâtre était une de mes envies depuis toujours, mais quand on fait de l’opéra c’est un peu un sacerdoce. Depuis deux ans je joue une pièce qui est un monologue de Howard Barker, “Und”. C’est très particulier et à la fois très poétique. Je joue une femme qui attend, on ne sait pas trop quoi, ni qui, mais elle attend. On peut retrouver une certaine résonance avec “En Attendant Godot” de Beckett car il y a une dimension absurde dans cette situation.
Vous menez plusieurs travaux presque en même temps, est-ce que ça vous plaît d’être dans une certaine frénésie ?
Ce n’est pas de la frénésie pour moi. Dans la comédie j’ai un sentiment de liberté, de maîtrise du temps et de créativité qu’il n’y a pas toujours dans la musique. Mais ça ne m’empêche pas de faire des récitals ou de la chanson. Le tout c’est de se plonger totalement dans un projet à la fois, puis de savoir cloisonner son travail, et je crois que c’est ce que je fais.