« Cela a été un choc immédiat pour moi». C’est lors d’un cours d’analyse musicale consacré aux instruments rares, que le musicien Thomas Bloch est tombé fou amoureux des sonorités de l’armonica de verre (sans “h”).
Originaire de Colmar, il est arrivé il y a quelques jours à Los Angeles où il a été invité par l’opéra de la ville à jouer dans l’opéra de Donizetti «Lucia di Lammermoor » (six représentations jusqu’au 6 avril). Thomas Bloch a d’ailleurs fait le trajet avec l’instrument. “A l’aéroport, on me regarde toujours d’un drôle d’air: au scanner, l’armonica ressemble à un gros poisson”, plaisante-t-il.
Et pour cause, créé en 1761 par l’un des pères fondateurs des Etats-Unis, Benjamin Franklin, cet étrange instrument de musique que l’on appelle parfois glassharmonica, se compose de bols en cristal ou en verre empilés sur un axe horizontal, entraîné par une pédale (qui fait penser à une machine à coudre). Le musicien doit se mouiller les doigts, puis frotter les verres qui émettent alors un son cristallin. « C’est un peu le même principe que lorsque vous glissez votre doigt mouillé sur le rebord d’un verre », explique Thomas Bloch.
L’armonica accusé de rendre les gens fous
Mozart l’utilisera lui-même dans sa dernière œuvre de musique de chambre, tout comme Beethoven, Saint-Saens, Richard Strauss et Paganini (qui le surnomme « l’orgue des anges »). Mais l’instrument va malheureusement disparaître au XIXe siècle, accusé de rendre les gens fous. En réalité, ce serait le plomb des armonicas du XVIIIe siècle qui aurait pu favoriser le saturnisme chez certains musiciens.
« Après avoir découvert cet instrument, j’ai tout de suite voulu essayer de m’en procurer un. Il n’y avait qu’une seule personne dans le monde qui avait décidé de ressusciter l’armonica de verre en 1982 : un maître-verrier d’origine allemande du nom de Gerhard Finkenbeiner, basé à Boston ! Il m’a très vite envoyé une cassette audio de l’instrument puis m’a fait livrer par la poste l’armonica achevé. Il m’a fallu plus de trois ans pour trouver ma propre technique. C’est compliqué car il y a peu de méthodes : je me suis notamment aidé d’un livre qui remonte au XVIIIe siècle ! ».
Sollicité par Daft Punk et Radiohead
Aujourd’hui, ils ne sont que six musiciens dans le monde à jouer de l’armonica de verre. Ces dernières années, l’instrument suscite un vrai regain d’intérêt. Thomas Bloch, spécialisé également dans deux autres instruments rares (les ondes martenos et le cristal Baschet) a notamment été sollicité par le cinéma : dans le film Amadeus de Milos Forman ou encore la Marche de l’Empereur, dont la B.O a été composée par Emilie Simon. Mais aussi par des artistes comme Radiohead, Vanessa Paradis ou encore Daft Punk !
Une passion pour les instruments rares que le musicien partage avec sa compagne, la talentueuse harpiste Pauline Haas venue le rejoindre à L.A, où ils donneront ensemble deux concerts (l’un de musique de chambre, l’autre en duo), à Downtown et Pasadena, invité par l’organisation Da Camera.
« Nous avons cela en commun: je possède et joue toutes sortes de harpes rares. Egyptienne, celtique, électro-acoustique, paraguayenne, et même un instrument restauré du XVIIIe siècle ! » explique-t-elle. “Le son de la harpe est très concret, tandis que celui de l’armonica de verre est assez flou. Du coup, nous nous complétons bien !”.