« J’ai décidé de changer de vie ». Partie de France en 2018 avec un visa étudiant en poche, Virginie Delaitre a réussi à lancer en novembre 2021 son entreprise de décoration Virginie Interiors dans le comté de Fairfax, à deux pas de Washington DC. C’est son divorce qui pousse la Nantaise, chef d’entreprise et ancienne étudiante en architecture et design d’espace, à tout quitter pour partir aux États-Unis.
« J’ai toujours adoré les musées et l’art de Washington, je voulais y aller pour devenir bilingue, travailler un an et revenir en France », se souvient la trentenaire. Elle demande un visa F-1 étudiant qu’elle obtient assez facilement et décide de se lancer dans une recherche approfondie d’écoles de design aux États-Unis.
Une démarche dont elle se souvient encore aujourd’hui comme difficile : « En France, c’était compliqué de faire des recherches car il y a peu de choix. Les Community colleges ne sont pas connus et je ne trouvais pas de formation au prix qui correspondait à ce que je voulais faire », se souvient la jeune femme qui part alors de l’autre côté de l’Atlantique avec son visa et un prêt étudiant de 60 000 dollars. « Mais je ne me suis pas renseignée suffisamment sur le coût des logements », admet Virginie Delaitre. « Comme je ne trouvais pas de logement lors de mes recherches en France, j’ai décidé de louer une chambre pendant un mois et de chercher un logement sur place ».
Elle arrive en avril 2019 et commence par faire trois mois d’intensif en anglais avant de commencer son premier semestre. « Je ne pouvais pas intégrer l’université sans avoir un certain niveau d’anglais, car ils ne vous font pas de cadeau », affirme-t-elle. Elle prend ensuite un appartement en colocation, « cela n’a pas été facile car je n’avais pas de Social Security Number (SSN)». Précieux sésame, la carte de sécurité sociale américaine permet d’obtenir un travail légal, un logement, ou encore un compte bancaire américain. « Mon premier boulot était payé 9 dollars/heure, le parking me coûtait plus cher ! Mais je l’ai fait pour obtenir mon Social Security Number», raconte Virginie Delaitre, avant de prévenir les futurs étudiants qui veulent se lancer aux États-Unis : « Il ne faut pas s’imaginer partir avec un visa étudiant et trouver un emploi sur place pour subvenir à ses besoins, ce n’est pas possible. » Le semestre coûte 6 000 dollars, un budget auquel il faut ajouter celui du logement.
Virginie Delaitre a aussi dû s’adapter aux différences entre l’apprentissage français et américain. Elle doit d’abord se familiariser avec les différents systèmes de notation, mais aussi avec des contenus beaucoup plus théoriques qu’en France. « Il y a moins de choses manuelles et on passe très vite à l’informatique. Par exemple, il n’y a pas de cours de dessin dans le programme que j’ai suivi. C’est très scolaire, il y a des tâches et des devoirs à rendre, alors qu’en France, on fait des projets. Tout est en ligne et la note est basée sur l’objectif de l’exercice. Il faut lire les consignes et répondre très précisément au sujet », témoigne Virginie Delaitre qui pense que c’est plus facile d’avoir un A aux États-Unis qu’un 20/20 en France.
En mars 2020, la pandémie de Covid vient tout chambouler. « Nous ne sommes jamais revenus de notre Spring break», plaisante la jeune femme. Elle a désormais deux choix : rentrer en France et abandonner son projet, ou rester aux États-Unis sans pouvoir voir sa famille pour une durée indéterminée. « J’avais déjà fait deux semestres d’études et m’étais dit qu’il fallait que je termine mon objectif : travailler aux États-Unis ». Virginie décide de ne pas rentrer en France et part en Virginie-Occidentale pour continuer ses études et son emploi en ligne. « Ça m’a vraiment coupé de la France », regrettre-elle. La jeune femme a quand même reçu de l’aide de ses parents pour financer la fin de ses crédits universitaires « car j’étais au bout de mon prêt », précise Virginie Delaitre qui n’avait pas prévu de payer un logement si longtemps.
« Après les deux premières années et si on prend le temps de faire toute l’intégration, tout devient plus facile », estime Virginie Delaitre, qui a alors entamé un OPT (Optional Practical Training). Cette formation professionnelle permet aux étudiants d’élargir leur visa F-1 en travaillant dans une entreprise américaine. Optionnel, l’OPT permet ainsi aux détenteurs du visa de rester étudier un an de plus pour compléter leur formation.
En juillet 2021, elle décide de rester pour fonder son entreprise. Problème : son visa étudiant ne lui permet pas de rester. « La plupart des avocats me disent de rentrer en France et de demander la carte verte. Un autre avocat spécialisé dans les mariages me dit de me marier ! », se souvient la jeune femme avec humour. Après avoir fait une demande infructueuse de carte verte auprès de son entreprise, elle décide de se lancer et de demander un visa E-2, le visa entrepreneur. « J’ai écrit mon business plan en 30 jours alors que je ne pensais pas du tout monter mon entreprise deux ans auparavant », témoigne la cheffe d’entreprise. Heureusement, elle a fait de l’entreprenariat, et dirige une association d’entrepreneurs en France.
Elle ouvre sa société Virginie Interiors en octobre 2021, après avoir obtenu son visa E-2. Au total, elle a investi 16.000 dollars pour ce visa, frais d’avocats compris. Si elle en est arrivée jusqu’ici – elle en est certaine – c’est grâce à sa ténacité. « Je veux prouver que c’est possible d’y arriver même avec peu d’argent investi ». Elle ajoute : « Il ne faut vraiment pas hésiter à poser des questions. J’envoie parfois des e-mails à des gens que je ne connais pas », assure la jeune femme qui conseille maintenant tous ceux qui veulent se lancer aux États-Unis, comme elle quatre ans auparavant.