«Ça y est, je la tiens mon invitation aux Hamptons !» se réjouit Xavier, 37 ans, chef cuisinier dans un restaurant français à New York depuis tout juste un an. Dennis, l’un de ses très bon clients, l’a invité à passer le week-end dans sa maison sur la plage, à East Hampton. Découvrir cet endroit dont tout le monde parle l’amuse d’avance, mais ce qui l’excite vraiment, c’est l’opportunité de finalement créer des liens d’amitié avec certains des autres «house guests», tous Américains. Xavier se sent trop seul, ne pas avoir d’amis autour de lui est le seul point négatif de sa nouvelle vie. Tout en jetant négligemment dans son sac, maillot de bains, t-shirts, raquette de tennis, shorts, crème solaire et le polo Lacoste de rigueur, il ne peut pas s’empêcher de penser : «C’est ma chance, faut pas que je passe a coté !».
C’est pourtant un homme blessé que je retrouve en face de moi une semaine plus tard. Son week-end aux Hamptons n’a fait que renforcer en lui ce malaise profond depuis qu’il est arrivé aux États-Unis : tout donner pour faire partie d’un groupe sans, hélas, y parvenir, et surtout sans vraiment comprendre pourquoi. «Mais quel est mon problème ? je ne rencontrerai jamais d’amis si je ne change pas».
A l’arrêt du Jitney, le bus chic et élégant des Hamptons, il rencontre Carole, l’une des 12 invités de Dennis. Assise à ses cotés, elle lui demande mécaniquement et sans vraiment écouter la réponse, quel est son job, quelle fac a-t-il fait et s’il y a aussi la plage à Paris ! A peine le temps de respirer que la voilà déjà plongée dans une pile de magazines. Elle ne décrochera plus un mot tout le long du voyage. Elle a l’air d’apprécier. Xavier, lui, le nez collé contre la vitre, se demande quelle bêtise il a pu bien dire pour susciter un tel comportement. Tout va mieux lorsqu’il est accueilli à bras ouverts par Dennis et tous les invités qui se connaissent déjà bien. Embrassades, sourires, tapes dans le dos, toute la panoplie de bienvenue qui fait que l’on se sent chez soi ou presque.
Pourtant il y a comme un froid lorsqu’à table, il parle des futures élections présidentielles. Il remarque très vite que ce n’est pas comme en France, non seulement «on» n’en parle pas, mais «on» parle de tout, et surtout de rien, uniquement à ses voisins de gauche et de droite. Des petits groupes se forment, chacun avec leurs propres discussions. Plus d’une fois Xavier se retrouve à regarder le plafond, n’ayant absolument rien à dire sur la plupart des sujets. «Ne sois pas si timide demain» lui dit Dennis avant que tout le monde n’aille se coucher. «Moi timide ?…». C’est le début de la fin.
Xavier se dit que le mieux est de jouer le jeu, après tout, il vit à New York, c’est à lui de s’adapter, pas aux locaux. Il passe le week-end à prétendre, à vivre selon des règles qui ne sont pas les siennes. Quand il veut être lui-même, il fait faux-pas après faux-pas : une blague un peu grivoise lui attire les reproches de la maîtresse de maison. Se déplacer sans cartes de visite du restaurant provoque quelques regards moqueurs. Parler de sa dernière peine de cœur met mal à l’aise celui à qui il s’adresse. Et lorsqu’il se présente en tenue de pro a un match de tennis, prêt à faire parler la poudre, c’est pour se rendre compte qu’il va jouer un double mixte ou discuter des cours de la bourse est aussi important, sinon plus, que de renvoyer la balle. «Au moins, j’ai bien sympathisé avec Michael et Amy, ils m’ont donné leur carte de visite et veulent vraiment me revoir» se dit-il sur le chemin du retour. Il attend toujours.
Comment aider Xavier à passer ce cap douloureux? Bien coacher quelqu’un c’est savoir lui poser les bonnes questions qui vont l’aider à trouver sa propre solution. «Je veux des amis Américains avec qui je peux tout partager, comme en France. Je ne veux plus être blessé à force de donner beaucoup plus que ce que je reçois». Est-ce un souhait réaliste ? «Non pas vraiment, ils sont ce qu’ils sont. Ils n’ont pas voulu me blesser. Pour eux je suis quelqu’un de sympa et j’imagine que c’est comme ça qu’ils agissent avec tout leurs amis sympas». C’est-à-dire ? «Ces relations que nous, Français, trouvont superficielles sont pour les Américains tout à fait naturelles». Quelles sont tes options alors ? «Ne pas avoir d’attentes trop élevées, prendre ce qu’ils ont à me donner, et leur donner ce qu’ils sont capables de prendre. Mes vrais amis sont en France, J’ai avant tout besoin de relations avec qui je peux continuer à vivre cette formidable aventure qui est de devenir un New Yorkais à part entière.»
Prendre les différences culturelles comme elles viennent, sans juger et sans perdre son identité, là est l’une des clefs d’une bonne adaptation. Xavier a vécu son expérience aux Hamptons comme un gros gâteau derrière une vitrine : on peut regarder, mais on ne peut pas toucher. À bien y réfléchir, ces invitations rapides à l’américaine ont aussi du bien. On rencontre des gens rapidement, on est invité même sans que l’on nous connaisse très bien. En France, avant de passer un week-end chez des amis, on en passe beaucoup tout seul chez soi. Personne n’a raison, personne n’a tort. Bienvenue dans le grand « melting-pot » qu’est New York City.
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