Les samedis et dimanches, dès que le jour se couche sur Joshua Tree, une parcelle du désert se transforme en salle de concert insolite. Et les voitures défilent pour une soirée inoubliable. Car, en pleine pandémie, alors que les salles de concert sont fermées et les festivals annulés, un violoniste français et sa femme américaine ont trouvé une solution pour faire retentir la musique et s’exprimer les artistes. Jérémie et Jacqueline Levi Samson ont créé Mon Petit Mojave, un drive-in musical à Yucca Valley, au sud de Los Angeles.
Ce drive-in fonctionne sur le même principe que le cinéma en plein air. La musique est transmise par le poste radio de votre véhicule, et l’auditeur peut profiter de la vue sur la scène et le ciel étoilé lors de concerts live les samedis et dimanches soir.
Cette idée a suivi la soudaineté des mesures de confinement, quand « tout s’est arrêté d’un coup », et notamment pour les artistes du désert de Joshua Tree et de Palm Springs. « Nous disposons d’un terrain de quinze acres, sur lequel nous prévoyons de construire une maison et éventuellement de proposer du glamping dans une ambiance western. Avec la crise, on a eu envie de l’utiliser pour créer un drive-in », explique Jérémie Levi Samson. Ainsi, un premier concert du violoniste a eu lieu le dimanche 22 mars, avec pour seule mise en scène, un tapis.
Une carrière diversifiée
Le Français n’avait pas imaginé l’engouement. Et pourtant, cette option très « covid-friendly » – qui offre quarante places de parking, respectant la limite de 200 personnes par rassemblement – fait le plein tous les week-ends. Et les artistes se bousculent pour proposer leur performance. Au point que le violoniste réfléchit même à proposer des concerts le vendredi soir.
Au fur et à mesure des prestations, le lieu a été perfectionné, Jérémie Levi Samson ayant construit une scène en bois et investi dans la sonorisation. Une optimisation qui se ressent également dans la programmation. Rap, mariachis, musique brésilienne, blue-grass, jazz manouche ou encore le cabaret versatile de Lola Ohlala : les groupes qui défilent proposent des univers éclectiques à l’image de la carrière de Jérémie Levi Samson.
Issu de la musique classique (Conservatoire de Lille, puis études supérieures de violon en Suisse), il a fait carrière dans le jazz en France avec le groupe Swingin’ Partout, avant de jouer sur différents morceaux, allant du tango de Stéphane Chapuis à la variété de Pauline ou de Kendji Girac. Depuis son arrivée à Los Angeles, il y a cinq ans, il construit une partie du Festival of Holidays pour Disney California Adventure, et multiplie les représentations dans les clubs alentours, allant de Sunnylands à Pappy & Harriet’s. « Cette polyvalence est une spécificité de la France », plaide celui qui joue du violon depuis ses sept ans.
Une expérience différente et intime
Mon Petit Mojave se présente comme tout l’inverse d’un business, émanant d’une initiative bénévole. « C’est davantage un état d’esprit, une expérience différente et intime, les gens viennent dans mon jardin. » Ainsi, les concerts sont gratuits, et les dons pour soutenir les musiciens recommandés. « Notre philosophie est que les personnes qui ont plus de moyens, une belle voiture, participent plus que les autres, sur un principe de solidarité. C’est comme le café en Italie », défend Jérémie Levi Samson.
Sa réussite réside notamment dans l’hétérogénéité de son audience. « Des gens très conservateurs comme très libéraux se déplacent et se mélangent, c’est la magie du concert. » Voué à être temporaire, ce projet bénévole est amené à s’éterniser, de par son engouement. Mais en évoluant pour pouvoir devenir pérenne. L’artiste poursuit, en parallèle, un projet lui permettant de se produire en solo, mais « en faisant autre chose que du Bach ». Ainsi, tel un homme-orchestre, il joue via un looper, lui permettant d’enregistrer en live et de passer en boucle les sons émis par sa guitare, son tambour, son violon ou son piano. « Cela permet de répondre à la demande, quand il y a peu de place », argumente le Français. Durant le confinement, il a aussi créé et animé une radio de proximité dans un bus, pour laquelle il jouait tous les jours pendant une heure en live.
Pour lui, le futur des artistes ne réside pas dans les réseaux sociaux, mais dans l’interaction avec le public. Et il aime à dire : « Quand la guerre dure, les gens ressortent et dansent. On ne peut pas vivre avec la peur. » Preuve en est qu’il garde espoir de revenir sur une scène moins insolite.