Sur Thompson Street à Soho, juste à côté du chic jardin de Ladurée, quelques tables sont sorties, et un énorme ours en peluche, appelé Greenpuff, est attablé devant une tasse de café. Bienvenue chez Miss Madeleine. Après avoir développé une clientèle fidèle dans l’Upper East Side, la boulangerie-pâtisserie vient d’ouvrir une deuxième adresse dans le quartier animé de Soho, financée par ses recettes et fonds propres. Une belle histoire de résilience de la part de Gérald et Peggy Huteau, un couple de Guadeloupéens qui travaillait à la Sécurité sociale et a réalisé son rêve de se reconvertir dans la pâtisserie à New York.
Leur parcours a été semé d’embûches : en raison de problèmes de visas, Gérald est arrivé seul en 2014 pour ouvrir un salon de thé et boulangerie dans East Harlem. Mais le commerce a eu du mal à trouver sa clientèle, tant la population locale caribéenne et sud-américaine est habituée à sa propre cuisine. À cela s’ajoutent plusieurs pannes et dégâts matériels, si bien que le Français décide de fermer boutique au bout de seulement trois mois. Rejoint par sa femme devenue pâtissière et ses cinq enfants, le couple signe finalement le bail d’une ancienne boutique de cannelés dans l’Upper East Side, en 2017.
« Nous avons eu un succès immédiat grâce à nos croissants. Nous le déclinons au beurre, aux amandes, au chocolat ou fourré à nos confitures maison. Nous le servons aussi en version salée, jambon-fromage, épinards-ricotta ou tomates-mozza », raconte Gérald Huteau. Au fur et à mesure, le couple – Peggy en cuisine, Gérald au business développement- élargit sa gamme de services. Il devient le traiteur officiel de la French American Chamber of Commerce, travaille avec Louis Vuitton et la Banque de France, et fournit plusieurs cafés et boutiques de Manhattan en viennoiseries avec son activité de gros.
Peggy, qui est passionnée de pâtisserie et a suivi plusieurs formations avant de se lancer, continue de travailler son savoir-faire. « Il y a une vraie évolution entre mes pâtisseries du début et d’aujourd’hui. Nous essayons aussi de rapporter des tendances venant de France. » Cela donne lieu à de drôles d’échanges avec les Américains. « Nous avons lancé les chouquettes, les Américains ne comprenaient pas le principe d’un gâteau sans crème à l’intérieur, très léger et qui se mange avec un café. Aujourd’hui, ils connaissent », dit-elle avec un sourire. Le couple a aussi aménagé un coin américain dans sa boutique, avec une offre de cupcakes, brownies et cookies. Gérald a, quant à lui, une fierté : « Nous avons montré ce qu’était un vrai éclair au chocolat, avec un fourrage au chocolat et non à la crème comme ils s’y attendaient. »
Le succès des madeleines, qui était le produit-phare à l’origine, est venu après. « Je voulais me rapprocher du goût de la madeleine de Commercy de notre enfance, qui laisse du beurre sur les doigts ». La boutique en propose aussi en plusieurs déclinaisons : nature, citron, pépites de chocolat, confiture.
Le couple a bien sûr souffert de la pandémie, qui l’a obligé à fermer pendant trois mois, mais a survécu grâce aux commandes des habitués, et à l’aide de la famille et des amis pour les livraisons. Avec la reprise, il cherchait un local avec de plus grandes cuisines et a finalement trouvé son bonheur à Soho. Le personnel est difficile à trouver : « sur 20 interviews confirmées, il n’est pas rare qu’une seule personne vienne », et les prix des matières premières grimpent, mais la maison essaie de ne pas augmenter ses prix, tant que cela reste possible. Autre voie de développement, Miss Madeleine se lance sur les applications Grubhub et Seamless, qui devraient encore l’aider à mieux faire connaître ses gourmandises françaises dans la Grosse Pomme.