Un site d’achat en ligne, un showroom flambant neuf à Manhattan, une nouvelle boutique dans un an sur Madison Avenue : avec Michelle Klein, Baccarat, 170 ans d’existence, prend un coup de jeune aux États-Unis.
Michelle Klein dirige la maison française de luxe outre-Atlantique. Et pour elle, Baccarat, c’est un style de vie. Six mois après son entrée en fonction, les projets abondent. La boss américaine vient de lancer une grande campagne publicitaire dans les journaux et magazines américains. Elle veut encourager la relance des clients et visiteurs du site par e-mail et organise des dégustations de vin en boutique à l’heure du déjeuner. Pas question de confiner les verres, vases, chandeliers et bijoux de la prestigieuse manufacture à l’état de pièces de musée. «Nous sommes souvent perçus comme une marque sérieuse et traditionnelle, destinée aux occasions spéciales, déplore la Bostonienne de 43 ans. J’ai une approche plus moderne : un chandelier classique, placé dans un environnement contemporain, peut donner un effet incroyable ! »
Depuis la création de la filiale américaine en 1948, Baccarat a peu changé d’image outre-Atlantique. La marque de luxe n’a ouvert que sept boutiques et s’est essentiellement implantée dans les grands magasins (400 points de vente aujourd’hui), là où la carrière de Michelle Klein a débuté. « Les department stores constituent une très bonne école pour apprendre toutes les techniques de vente ». Entre Bloomingdale’s à New York et Macy’s à Atlanta, elle a passé 14 années dans un secteur réputé très difficile. « J’étais enceinte de huit mois et Macy’s m’a tout de même embauchée, précise-t-elle en riant. Mais au bout d’un certain nombre d’années en grands magasins, vous êtes considérés comme un spécialiste. Donc en 2008 j’ai pensé qu’il était temps de changer ».
Michelle Klein connaissait Gilles Bonan, le dirigeant de Roche Bobois. Elle devient son responsable nord-américain. Elle y découvre la vente à l’échelle d’une société familiale et la culture d’entreprise à la française. Pas toujours facile, même si elle dit avoir le français « dans son ADN », depuis la rencontre de son mari (français) à 20 ans lors de son premier voyage à Paris. Malchance du timing : elle commence en septembre 2008, quand le monde financier s’écroule. « Ce fut une première année très difficile mais nous avons survécu ». Après trois ans au sein de la marque française de meubles, Baccarat lui fait une offre. « J’adore les histoires, et Baccarat m’a séduite par son histoire ». A l’entendre raconter sa visite aux 700 ouvriers de la Manufacture en Lorraine, en janvier dernier, alors qu’elle vient de prendre son poste de Directrice Générale pour les Etats-Unis, on ne pourra la contredire. « C’était comme marcher dans un autre temps. La visite nocturne est particulièrement impressionnante, on voit les souffleurs de cristal dans la lumière du feu. Le savoir-faire est transmis de génération en génération, difficile de trouver cela aux États-Unis ».
Michelle Klein aime rappeler les origines royales de la cristallerie, née en 1764 sous Louis XV. « C’est notre origine, c’est de là que nous venons ». Le tout en anglais. Car si elle maîtrise le français, elle préfère réaliser l’interview dans sa langue. « C’est l’habitude, toutes les réunions sont en anglais ». Le président de Baccarat est en effet américain : Barry Sternlicht, co-dirigeant avec son frère Russell du fonds d’investissement Starwood Capital Group, devenu propriétaire de Baccarat en 2005 après son rachat à la famille Taittinger. Le directeur général, Markus Lampe, est autrichien. Le groupe est devenu international, présent dans plus de 90 pays. La moitié des 143 millions d’euros de chiffres d’affaires (2011) est toutefois réalisée en Europe. Les Amériques n’en représentent que 1,3 %, alors que les États-Unis constituent le quatrième marché, derrière la France, le Japon et la Chine. Michelle Klein compte bien peser plus lourd dans la balance, notamment en cette période de crise européenne.
Comme toutes les maisons de luxe de l’art de la table, la clientèle de Baccarat vieillit. « Nous souhaitons que, non seulement, les mères viennent dans nos boutiques, mais aussi leurs filles », résume Michelle Klein. L’atout séduction de Baccarat : les bijoux, en concurrence directe avec des marques comme Tiffany. Bague à 295 dollars, boucles d’oreilles entre 350 et 400 dollars. Quand on lui fait remarquer que les prix restent élevés, Michelle Klein rétorque doucement par une anecdote : « Quand je travaillais chez Bloomingdale’s, je voyais des jeunes filles repartir avec cinq jeans à 200 dollars pièce. Donc c’est juste une question d’image, de communication sur nos produits, pas de moyens ». La dirigeante américaine souhaite également mieux cibler la clientèle masculine. “55 % de nos clients sont certes des femmes, mais 45 % sont des hommes ! Ils s’intéressent à la vaisselle pour le bar et aux luminaires ». Ces derniers représentent 27 % des ventes en boutique. Les prix des chandeliers varient entre 20 000 et 95 000 dollars. Le célèbre lustre parapluie de Philipp Starck, Marie Coquine (allusion à Mary Poppins) se vend 38 700 dollars. Soixante exemplaires ont été vendus dans le monde. Pour la dirigeante, « c’est le contemporary humor du Baccarat d’aujourd’hui ».
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