Michel Blazy et son équipe s’affairent autour de larges marmites dans lesquelles frémit une potion bleu vif. « Ce n’est pas de la peinture, mais de l’agar-agar (substance à base d’algues) mélangé à des pigments alimentaires, explique l’artiste monégasque. C’est une peinture vivante : avec le temps, son aspect va se modifier au gré des changements de température et du taux d’humidité »
Sculpteur de denrées périssables et de matières insolites, le plasticien crée depuis 20 ans des installations en lien avec la nature. En 2007, le public parisien découvrait ses oeuvres vivantes (fleurs de jambon, sculpture de vermicelles de soja…) lors de l’exposition “Post Patman” au Palais de Tokyo. Aujourd’hui, il est l’invité de la Nuit de la Philosophie et des Idées de Houston, un grande soirée de discussions et de performances dont la première édition se tiendra samedi 26 janvier au Moody Center for the Arts de Rice University. Le thème en sera l’écologie.
Dans la salle d’exposition aux murs recouverts de « peinture vivante », seront installées, sur un bain de charbon humide, des plantes locales et des sculptures de bois représentant des robots et des animaux. Une fois exposées, les plantes vont croitre ou dépérir, et l’œuvre continuera sa vie, sa croissance ou sa dérive indépendamment de la volonté de l’artiste.
L’odeur des matières vivantes en décomposition, la chaleur inhabituelle dans une salle d’exposition à Houston: découvrir une oeuvre de Michel Blazy est une expérience sensorielle. « Ce paysage apocalyptique, intitulé « We Were the Robots », est une sorte de vanité, explique l’artiste. Je fais le portrait du monde tel qu’il sera dans 100 ans. On pensait être moderne, s’affranchir de la nature… mais on ne maîtrise rien. »
Si Michel Blazy joue avec la fragilité des matières vivantes, il aime être surpris par la matière : « Je ne maîtrise pas le résultat, car je travaille avec des énergies extérieures. Je ne suis donc pas l’auteur de la réaction chimique, je ne fais que l’encourager. C’est vraiment cette absence de maîtrise que je souhaite mettre en avant. Quel est le pouvoir de notre action ? N’est-il pas trop tard pour agir ? »
Quel message veut-il transmettre au public de Houston, ville si peu respectueuse de l’environnement qui peine à se relever d’une catastrophe écologique ? « Je ne crois plus au message politique dans l’art contemporain. Le monde de l’art s’adresse à une population de plus en plus riche, entre-soi. Excusez mon pessimisme, mais je crois que la question n’est plus d’éviter le choc, mais de s’y préparer. » L’oeuvre sera visible jusqu’au 18 mai.