Pour trouver la Nonciature apostolique, il suffit de remonter la prestigieuse Massachusetts avenue, de dépasser la statue de Mandela installée devant l’ambassade d’Afrique du Sud et de s’arrêter en face de la résidence du vice-président des Etats-Unis. C’est là, dans une belle bâtisse où flotte le drapeau jaune et blanc du Vatican, que vit et travaille Mgr Christophe Pierre. Cet archevêque français, Breton d’origine, a été choisi par le pape François il y a un an pour être son ambassadeur aux Etats-Unis.
Près de 80 millions de catholiques vivent sur le sol américain. Le nonce apostolique, « c’est le représentant du Pape auprès des autorités d’un pays et auprès de l’Eglise de ce pays. Mon rôle, c’est de l’aider à gouverner l’Eglise», résume Mgr Christophe Pierre. Après des postes dans dix pays dans le monde, sa nomination à Washington est une consécration. « C’est sûr que c’est un poste important mais est-ce que c’est le plus prestigieux ? Ce n’est pas à moi de le dire… », répond-il dans un sourire.
Sur son bureau, c’est pourtant bien une rencontre de toute première importance que le nonce prépare. Le 24 mai, le Pape François reçoit Donald Trump au Vatican pour leur tout premier tête-à-tête. On se souvient des critiques répétées du souverain pontife pendant la campagne et des répliques abruptes du futur président, on imagine que la tension n’est pas totalement retombée. Mgr Christophe Pierre préfère se montrer optimiste : « le Pape, qui parle toujours de dialogue, va le pratiquer. Et le fait que Donald Trump vienne pour dialoguer est assez positif », analyse-t-il.
A quelques jours du rendez-vous, Mgr Christophe Pierre ne se contente pas de gérer, avec les diplomates basés au Saint-Siège, la logistique et le protocole de cette rencontre au sommet, histoire d’éviter un faux pas devant les caméras. En coulisses, il rassemble surtout toutes les informations nécessaires au Pape pour préparer au mieux la rencontre avec le président américain. Les deux hommes auront notamment un entretien à huis-clos où de nombreux dossiers sensibles seront mis sur la table.
Sur la question des migrants, l’opposition de l’Eglise catholique au Mur voulu par Donald Trump n’a pas faibli. Mgr Christophe Pierre, qui a passé la dernière décennie en poste au Mexique, connaît cette réalité mieux que personne. « On ne part jamais de son propre pays la joie au coeur, c’est un arrachement. Et un pays ne peut pas s’enfermer totalement », maintient-il.
Mais Mgr Christophe Pierre reconnaît aussi « l’aspect positif de la présidence de M. Trump » sur un autre dossier important pour l’Eglise, celui de la liberté religieuse. L’administration Obama avait mis en place lors de la réforme de la santé une directive qui obligeait les employeurs à rembourser les frais de contraception et d’avortement de leurs salariés. Des communautés religieuses risquaient des amendes importantes pour s’y être opposées. Mais Donald Trump a détricoté Obamacare et présenté plusieurs décrets qui vont dans le sens de la liberté religieuse. « Quand deux personnes qui ont d’immenses responsabilités se rencontrent, il y a la possibilité d’ouvrir des portes. Le Pape n’est pas un partisan», conclut donc avant cette rencontre Mgr Christophe Pierre.
Entre deux dossiers, l’homme qui porte une lourde croix autour du cou peut sortir se promener dans la nature étonnamment préservée qui entoure Massachusetts avenue. Mais de DC, il reconnaît dans un sourire qu’il fréquente surtout « la route entre la nonciature et l’aéroport », pour mener à bien sa mission de « pasteur » partout aux Etats-Unis.
Ses vraies racines, elles, restent en France. Après 45 ans de carrière dans la diplomatie vaticane, « où que je sois dans le monde, je ne suis jamais dépaysé. Mais quand j’arrive à Saint-Malo, je suis chez moi ».