Le 11 novembre 1924, le premier musée d’art de San Francisco ouvrait ses portes grâce à l’opiniâtreté de sa fondatrice, Alma de Bretteville Spreckels, et de la générosité de son mari, baron de la betterave à sucre. Le Legion of Honor museum donnera le coup d’envoi de son centenaire avec un week-end de trois jours, du vendredi 9 au lundi 11 novembre, pendant lequel le musée sera entièrement gratuit, y compris l’exposition temporaire consacrée à la seule peintre américaine à avoir fait partie des impressionnistes français, Mary Cassatt. Un prélude à toute une année de célébration.
« Ce week-end devrait être aussi chargé que festif, et musique et danse rempliront les galeries du musée », se réjouit Emily Beeny, conservatrice en chef du Legion of Honor. « Le samedi, les visiteurs pourront poser pour une photo souvenir aux côtés du Penseur de Rodin, assister à une conférence sur la collection d’oeuvres européennes que renferme le musée, ou écouter Thomas Campbell, directeur du Legion of Honor, s’entretenir avec la directrice du musée Rodin, Aurélie Simier. »
Qui dit anniversaire, dit gâteau : le public pourra déguster un croquembouche confectionné par le duo franco-américain Tarts de Feybesse, et le Cake Picnic devrait réunir plusieurs centaines de gâteaux. Le musée sera également gratuit le dimanche, mais sans animations particulières, tandis que le lundi mettra en avant le lieu de mémoire, avec des concerts de musique patriotique : « Alma de Bretteville avait choisi la date symbolique du 11 novembre pour l’ouverture du Legion of Honor afin de rendre hommage aux 3600 soldats californiens qui ont péri pendant la Première guerre mondiale. »
Il aura fallu presque dix ans à Alma de Bretteville pour voir son rêve d’ouvrir un musée d’art réalisé. « En 1915, lors de l’exposition universelle Panama-Pacific, elle tombe en arrêt devant le pavillon français, qui n’est autre que la reproduction de l’hôtel particulier de Salm. Ce dernier abrite le musée de la Légion d’Honneur à Paris, explique Emily Beeny. Dans un premier temps, Alma de Bretteville envisage de conserver le pavillon français, mais celui-ci n’est pas destiné à durer, son matériau de construction étant proche du papier mâché. Elle décide donc de faire construire une réplique de l’hôtel de Salm dans Lincoln Park, dans cet environnement un peu irréel, au bord de l’océan. »
L’endroit abritait auparavant un cimetière, dont certaines tombes ont été déménagées mais pas la majorité, conférant à l’endroit une atmosphère un peu mystique, surtout quand le bâtiment émerge, tel un fantôme, du brouillard côtier. Alfred Hitchcock a filmé plusieurs scènes de son film Sueurs froides (Vertigo, 1958) sur place.
Le musée n’a pas fini de révéler ses secrets et ce week-end de fête permettra d’en découvrir de nouveaux : saviez-vous par exemple que le plafond de galerie Spreckels n’est pas en pierre ? Le trompe-l’œil cache en réalité une partie des 4 526 tuyaux de l’orgue qui parcourent tout le musée, si bien que lorsque l’instrument est joué, c’est l’ensemble du bâtiment qui « chante ».
La collection du musée propose un voyage à travers 6000 ans d’histoire de l’art, de céramiques antiques aux bronzes de Rodin. « Alma de Bretteville avait amassé 99 œuvres du sculpteur. La particularité de sa collection tient au fait que le sculpteur a lui-même supervisé la coulure des bronzes et le processus de patinage. La plupart des bronzes de Rodin sont des œuvres posthumes, mais pas ceux d’Alma de Bretteville, ce qui les rend d’autant plus exceptionnels. »
Autre incontournable du musée, la galerie dédiée à l’art baroque, récemment été rénovée. On peut y admirer des tableaux de Rembrandt, Rubens ou encore Georges de La Tour. « Notre collection de meubles anciens français et anglais est également très riche », souligne Emily Beeny. « On peut notamment admirer un canapé du XVIIIe, confectionné pour meubler l’appartement privé de Marie-Antoinette à Versailles. »
Dans le cadre de son centenaire, le Legion of Honor a récemment acquis de nouvelles œuvres, grâce à une campagne de levée de fonds. Outre un tableau de Pissarro représentant sa fille Jeanne, le musée est fier d’exposer une peinture de Lavinia Fontana (1605) représentant Bianca degli Utili Maselli avec ses six enfants, tous élégamment vêtus de dentelle et de perles, et une vue du Grand Canal de Venise réalisée par Canaletto.
De nombreuses manifestations ponctueront le centenaire du musée, à commencer par une série de conférences intitulée « A Closer look » le deuxième samedi du mois : on y parlera de la collection de peintures européennes, puis d’Antiquité, du fonds de textiles et de costumes, de sculptures baroques et de la Renaissance, de l’Impressionnisme, ou encore de l’identité nationale flamande dans la peinture du XVIIe. Ces lectures sont gratuites et ouvertes à tous.
Quatre expositions rythmeront également cette année : la première est dédiée à l’histoire du musée, depuis sa création en 1924 jusqu’à nos jours, et constitue une introduction intéressante pour apprécier le lieu. « Mary Cassatt at work » (jusqu’au 26 janvier 2025) permettra d’apprécier l’œuvre de cette peintre américaine, trop souvent réduite à une image d’artiste sentimentale qui aimait peindre des femmes et des enfants. Invitée par Degas à exposer avec le groupe des Impressionnistes français, Mary Cassatt est la seule femme américaine à faire partie de ce groupe, et elle militera toute sa vie en faveur des femmes.
« Dress Rehearsal: The Art of Theatrical Design » (9 novembre – 11 mai 2025) se penchera sur l’art de la mise en scène à travers la collection de costumes et de dessins du musée. Le peintre californien contemporain Wayne Thiebaud (1920-2021), connu pour ses peintures de pâtisseries et gâteaux, sera à l’honneur du 22 mars au 17 août 2025.
Le Legion of Honor museum, 100 34th Ave, San Francisco, CA 94121. Célébrations du centenaire, 9-11 novembre. Site.