C’est par un bel après-midi d’automne qu’il nous a donné rendez-vous en plein cœur du quartier historique de Williamsburg en Virginie. Si son nom ne vous dit rien, son visage vous est peut-être familier. Depuis 25 ans, Mark Schneider prête ses traits à l’aristocrate français, ami des révolutionnaires américains, Gilbert du Motier, Marquis de Lafayette.
C’est son jour de repos, mais il a accepté d’endosser pour nous, l’uniforme de la Garde nationale de Paris dont Lafayette fut nommé commandant en chef à la Révolution française. Un costume fabriqué dans les règles de l’art par les ateliers de la Colonial Williamsburg Foundation où il exerce depuis 1997. Une tenue d’un réalisme bluffant, qu’il endosse avec fierté et dans laquelle il avoue se sentir plus à l’aise que dans ses vêtements du quotidien. Des habits de travail atypiques pour un historien devenu un peu par hasard, comédien.
Originaire de Setauket dans l’État de New York, c’est très jeune que Mark Schneider développe, sous l’influence de sa mère française, une passion pour la France et son histoire. Un attrait qui se renforce avec les années et le mène sur les bancs de la Christopher Newton University où il décroche son diplôme avec l’intention de devenir professeur.
Mais après ses études, il poursuit un autre rêve : il rejoint l’armée américaine où il servira pendant quatre ans. C’est à la fin de son engagement qu’il rejoint la Colonial Williamsburg Foundation, le plus grand musée d’histoire vivante au monde, un endroit hors du temps, qui permet de s’immerger dans l’Amérique coloniale. D’abord intégré au sein de l’équipe des historic trades, des artisans qui reproduisent les métiers d’autrefois, il est très vite repéré pour sa maîtrise du français ainsi que ses talents équestres. Des compétences précieuses pour se mettre dans la peau d’un homme du XVIIIe siècle. De fil en aiguille, il devient, à temps plein, le visage de Lafayette, puis ajoute Napoléon pour des prestations en parallèle de son activité au sein de la fondation.
Ces rôles lui permettent de voyager à travers les États-Unis et l’Europe. Au total, Mark Schneider a participé à plus d’une cinquantaine de reconstitutions dans la peau de l’empereur Bonaparte. Des performances qui lui ouvrent aussi les portes du cinéma : outre de nombreuses participations dans des documentaires télévisés, il fait quelques apparitions dans des superproductions comme les films « The New World » de Terrence Malik, « L’Empereur de Paris » de Jean-François Richet ou les séries « John Adams » et « Turn: Washington’s Spies ».
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S’il se considère avant tout comme un historien et un éducateur, il reconnaît sans problème que la comédie est devenue une part importante de son métier, le « vecteur » qu’il utilise pour enseigner et transmettre son savoir. Séances de coaching pour améliorer son jeu, sessions de sport régulières pour rester en forme, recherches historiques : devenir Lafayette, ce n’est pas seulement porter un costume et monter à cheval.
« Certes, il faut connaître les faits marquants de sa vie, mais il faut aussi pouvoir le replacer dans un contexte, comprendre sa façon de voir le monde pour être crédible, explique-t-il. La société du XVIIIe siècle n’était pas celle d’aujourd’hui ».
Au fil des années, Mark Schneider a développé un profond attachement pour son personnage dont il partage les valeurs comme la défense de la liberté et de l’égalité. Il avoue même ressentir son influence au quotidien : « Lorsque je fais face à un défi, je me demande ce qu’il ferait dans telle situation. J’ai l’habitude de dire que toutes les réponses pour le futur peuvent être trouvées dans le passé ».
Lorsqu’il ne travaille pas, le « marquis Mark », comme le surnomment ses proches, redevient tout simplement lui-même. Une vie faite de lectures, de voyages et de moments en famille. Mais son personnage n’est jamais très loin : « Parfois, on me reconnaît dans la rue ou au supermarché. Un jour, j’étais à la gym et quelqu’un s’est approché pour me demander si j’étais le marquis de Lafayette. J’ai simplement répondu « pas pour l’instant », s’amuse-t-il encore.
Les prochains mois s’annoncent particulièrement chargés. Cette année marque le bicentenaire du Lafayette’s Farewell Tour aux États-Unis. L’historien vient de débuter un marathon de 13 mois à travers le pays pour retracer la tournée triomphale du marquis dans le pays qu’il avait aidé à créer. Si plusieurs « Lafayettes » sont mobilisés pour assurer le spectacle, Mark Schneider sera bien sûr l’un d’entre eux. Il a déjà donné le coup d’envoi des célébrations en août dernier. « Un rêve éveillé » pour ce gamin de Long Island qui s’émerveille encore de son arrivée dans le port de New York brandissant un drapeau français devant la statue de la Liberté.
Mark Schneider sera membre du jury Lafayette lors de la finale de la Best Baguette 2024 organisée par French Morning à Washington D.C. le 21 octobre prochain. Pour acheter vos places, rendez-vous sur EventBrite.