Si vous n’êtes pas amateur de foot, le nom de Marinette Pichon ne vous dit probablement rien. La Française est pourtant l’une des plus grandes footballeuses de sa génération.
Avec 81 réalisations en 112 sélections, elle fut jusqu’en 2020 la détentrice du record de buts en équipe de France (hommes et femmes confondus) et la première star française du ballon rond à signer un contrat avec une formation américaine – les Philadelphia Charge, en 2002. En ce mois de juin, l’ex-attaquante est à New York, non pas en personne mais comme personnage… de cinéma. « Marinette », le biopic qui lui est consacré, sera présenté au TriBeCa Film Festival lors de trois projections à AMC (les dimanche 11, lundi 12 et samedi 17 juin).
L’actrice qui joue le rôle de la championne, Garance Marillier (« Titane »…), participera à une séance de questions-réponses à l’issue de la projection du dimanche 11 juin. « C’est génial, et très symbolique, de faire la première internationale aux États-Unis, pays qui favorise la pratique du foot féminin et terre de stars de la discipline, comme Megan Rapinoe (l’attaquante légendaire de l’équipe US, ndr) », s’exclame Virginie Verrier, sa réalisatrice.
À l’image de son sujet, son long-métrage fait figure de pionnier. Lors de ses recherches, la cinéaste n’a pas trouvé d’autres biopics réalisés par une femme sur une sportive française.
À l’origine du projet : la volonté de mettre en valeur « une héroïne (…) dont la vie raconte une histoire ». Férue d’athlétisme dans sa jeunesse, Virginie Verrier ne connaissait pas Marinette Pichon. Jusqu’à ce qu’on lui parle de la sortie, en 2018, de son autobiographie, Ne jamais rien lâcher. « On m’a envoyé le livre, que j’ai reçu le lendemain. Et le surlendemain, je déjeunais avec Marinette. Ça s’est fait en 48 heures !, explique-t-elle. On a vraiment accroché (…) À la fin du déjeuner, elle m’a dit : si quelqu’un doit adapter ma biographie, c’est toi ». La footballeuse prendra toutefois le soin d’obtenir le feu vert de sa mère et de sa sœur, qui l’ont accompagnée tout au long de sa carrière.
« Marinette » se veut avant tout une histoire de « résilience », celle d’une jeune femme qui a gravi les échelons du foot malgré le sexisme, le manque de moyens à disposition des joueuses, et un père alcoolique, violent envers sa femme et condamné pour le viol de sa belle-mère. Ce parcours, Virginie Verrier la raconte sans chichi, sous la forme de va-et-vient entre différentes époques et lieux : le centre d’entrainement de Clairefontaine, les pelouses du premier club féminin de Marinette Pichon, Saint-Memmie Olympique, et les États-Unis, où la jeune championne vit son homosexualité au grand jour et s’épanouit professionnellement.
« Elle n’est pas intervenue dans l’écriture, mais j’ai voulu l’accompagner. Nous avons organisé une séance de lecture du scénario, séquence par séquence, de quatre heures, en compagnie de sa femme. Elle ne m’a jamais demandé de retirer quelque chose, reprend Virginie Verrier. Je pense qu’elle a senti que j’étais dans une démarche de respect et que je souhaitais lui rendre hommage. Mais attention, respect ne veut pas dire flatterie ».
C’est plutôt la Fédération Française de Football (FFF) qui en prend pour son grade. Le film rappelle que les joueuses françaises n’ont toujours pas le statut de professionnelles, contrairement à d’autres pays. Si la création d’une Ligue professionnelle féminine (LPFF) sera soumise au vote de l’instance lors de son assemblée générale le samedi 10 juin prochain, la réalisatrice juge « hallucinant » le retard pris par la France. Elle rappelle d’ailleurs que la Coupe du monde féminine cet été n’a pas encore de diffuseur.
L’artiste a mesuré à son niveau les progrès qu’il reste à accomplir pour faire reconnaître la réalité des footballeuses. « Des exploitants ont pu être frileux à l’idée de soutenir le film parce qu’ils pensaient qu’une femme jouant au foot ferait fuir le public, alors que le sport ne sert que de décor pour raconter un destin et aborder des sujets comme la violence faite aux femmes, regrette-t-elle. Dans le même temps, on m’a aussi dit : le jour où un film comme ça cartonnera, il y en aura dix derrière ! ».
Marinette au TriBeCa Film Festival