” Marguerite” nous emmène dans le Paris des années 20. On y retrouve Marguerite Dumont, une femme fortunée passionnée de musique et d’opéra. Elle se produit régulièrement devant son cercle très fermé d’amis. Son souci : elle chante horriblement faux et personne n’ose lui dire, pas même son mari. Jusqu’au jour où elle décide de se produire devant un vrai public, à l’opéra.
Inspiré d’un personnage ayant réellement existé, le film n’est pourtant pas un biopic. « Il y a 15 ans, j’ai écouté la radio et entendu la voix complètement folle de Florence Foster Jenkins, une Américaine. Et je me suis dit, mais qu’est-ce que c’est cette histoire folle, à la fois hilarante, ridicule et hors-norme. J’ai voulu découvrir cette femme qui a fini par chanter au Carnegie Hall, explique le réalisateur Xavier Giannoli. J’ai fait mon enquête, j’ai découvert son histoire, mais je n’ai pas voulu faire un biopic, ça ne m’intéressait pas. Je me suis inspiré des éléments de sa vie qui me touchaient. Comme un peintre qui regarde la réalité et qui en fait sa propre interprétation. »
Lors de “Marguerite”, le réalisateur nous fait passer par des émotions complexes et opposées. On passe du rire, à la compassion et de la moquerie à la gêne. « C’est comme ça que je vois la vie, il y a une dimension tragique. On pense à l’amour, à la vie, à la mort, à la solitude, au doute. Mais en même temps, il y a aussi une dimension comique et ridicule. C’était ça qui m’intéressait dans le film, ce mélange de tendresse et de cruauté. J’essaye, avec mes moyens, de créer de grands personnages de cinéma qui vont dégager des émotions universelles, sans entrer dans le cliché. »
Marguerite est formidablement interprétée par Catherine Frot, un rôle considéré par certains critiques comme le plus réussi de sa carrière et qui lui a valu le César de la meilleure actrice.
« Je crois que la vie de Catherine Frot l’a préparé à ce rôle, elle est la première à le dire. Pour elle, c’était quelque chose qui rassemblait beaucoup ses émotions de femme. Je pense qu’il y a eu des choses dans sa vie personnelle au moment du film qui touchaient à son couple et le film lui a permis d’exprimer ces émotions-là ».
Le succès du film n’est évidemment pas dû qu’à la belle performance de Catherine Frot. L’actrice est entourée de nombreux seconds rôles de talent. Michel Fau et André Marcon ont d’ailleurs eux aussi été nominés aux Césars grâce au film. D’autres acteurs auraient également mérité cette nomination selon le réalisateur. « J’étais très furieux que Denis Mpunga ne soit pas nommé aux Césars, il est génial. Mais les organisateurs m’ont dit que c’était déjà rare d’avoir deux nominés dans le même film. Mais du coup je pense que ça a divisé les votes. »
Le film a néanmoins raflé quatre prix lors de la cérémonie (meilleure actrice, meilleur décor, meilleurs costumes et meilleur son). Un succès qui lui permet aujourd’hui d’être présenté au public américain. Ce qui rend très heureux Xavier Gianolli. « L’écrasante majorité de mes références sont américaines, je suis obsédé par le cinéma et la littérature américaine. Dans mes films, il y a une très forte influence américaine. Même idéologiquement. Quand j’écrivais le film, je pensais parfois à Forrest Gump. Des personnages qui incarnent une forme d’innocence et qui sont promis à des destins épiques, car ils font apparaitre la corruption et l’hypocrisie du monde. C’est très américain aussi. Dans “Marguerite”, il est question d’une femme qui veut prendre possession d’elle-même, qui veut empoigner son destin et qui s’affranchit de toutes les règles et de toutes les conventions sociales pour imposer au monde ce qu’elle est. »