Cocorico ! C’est une illustratrice française qui vient de signer la Une du dernier New Yorker, et pas n’importe quelle édition. Malika Favre a dessiné Kamala Harris pour le numéro de ce lundi 7 octobre, où le magazine le plus emblématique de la Grosse Pomme annonce qu’il soutient la candidature de la vice-présidente démocrate à la Maison Blanche. Sur un fond bleu, Kamala Harris est dessinée par contraste en noir, de profil et légèrement par derrière, regardant vers le haut. Elle porte des boucles d’oreille blanches en forme d’étoile, ce qui rappelle les 50 États américains sur le drapeau du pays.
L’artiste, qui collabore régulièrement avec le New Yorker depuis 2016, était assez libre pour réaliser « The Candidate ». « J’ai tout de suite eu envie de créer un portrait de Kamala Harris. Il illustre, en image, une prise de position pour la candidate et représente aussi, bien entendu, mon soutien pour cette élection à venir. L’image, quand elle est vue pour la première fois, doit parler d’elle-même. La force des couvertures du New Yorker, mais aussi leur challenge, est qu’elles doivent vivre sans titre aucun ».
S’en suit un processus créatif que Malika Favre décrit comme « très organique et organisé ». « Je commence toujours par faire des recherches, m’informer, trouver des images inspirantes ou des articles intéressants sans vraiment réfléchir à ce que je vais dessiner. Les idées viennent d’elles-mêmes par la suite. C’est une forme de gymnastique créative à laquelle je fais confiance sans trop chercher à la contrôler ».
Une illustration simple, et qui dit l’essentiel en peu de traits. « Un portrait peut sembler l’exercice le plus facile, mais c’est en réalité le plus difficile pour un artiste. Cela est lié à mon style très minimaliste, j’utilise le moins de lignes et de couleurs possibles, donc je dois trouver ce qui est essentiel pour que cette personne soit facile à reconnaître et que ce soit impactant ». Elle choisit de la faire regarder vers le haut, en signe de renouveau et d’espoir, et de relayer à la fois sa force et sa vulnérabilité dans ce regard.
Malika Favre a signé d’autres Unes emblématiques comme « Operating Theatre » (3 avril 2017), où elle a dessiné des médecins penchés au-dessus d’un patient. Un hommage aux chirurgiens qui l’ont opérée quand elle avait 6 ans, et qui est ensuite devenue virale lorsque des chirurgiens l’ont repris et posté sur les réseaux sociaux depuis leurs hôpitaux. Elle est aussi l’auteure de la Une du New Yorker sur la mort de la Reine Elisabeth II d’Angleterre; ou encore « Coding 101 » (20 novembre 2017) sur la lutte pour l’égalité hommes-femmes dans la tech : on y voit deux petites filles jouer au morpion (Tic-Tac-Toe en anglais) sur le sol, une Une pleine d’optimisme et d’espoir.
Pour la Une sur Kamala Harris, Malika Favre a réalisé des vidéos pour expliquer sa démarche sur les réseaux sociaux. « C’était la première fois que je me prêtais à l’exercice et Françoise m’a été d’une aide précieuse ». Une référence à Françoise Mouly, directrice artistique (française) du New Yorker depuis 1993, qui a fait appel à Sempé et soutient régulièrement des artistes français pour ses Unes.
Mais pour Malika Favre, originaire de Paris et expatriée à Barcelone, l’élection américaine a-t-elle autant d’enjeux ? « Je la suis, de loin, avec beaucoup d’inquiétude mais toujours de l’espoir, comme cette petite étoile qui brille sur mon image. Quel que soit le résultat de cette élection, elle aura des conséquences qui vont bien au-delà du pays dans lequel elle se tient ». Car la fracture entre deux camps ne se limite pas à l’élection du 5 novembre : « Ce qui ressort du paysage politique, aux États-Unis comme en France d’ailleurs, c’est une binarité poussée à l’extrême et une polarisation des idées et des idéaux ».