“En mai, fais ce qu’il te plaît”. Contrairement à ce que laisse penser le titre du quatrième long-métrage du Français Christian Carion, son film n’a rien de léger. Il retrace une période noire de l’histoire de France : l’exode de l’été 1940. Un film personnel, influencé par sa mère qui l’a vécu quand elle avait 14 ans.
Mai 1940. La guerre vient éclater et les forces nazies envahissent l’hexagone. Il ne reste alors aux Français que l’exil en guise d’espoir. Terrorisées et martyrisées, des millions de personnes, en grande partie issues des campagnes, vont fuir le nord de la France. À la tête de ces exilés, Paul (Olivier Gourmet), le maire d’une ville, et Mado (Mathilde Seigner), sa femme, qui vont tenter tant bien que mal de sauver ces vies.
Parmi elles, Suzanne (Alice Isaaz), l’institutrice du village, une jeune femme au grand coeur. Mais aussi le jeune allemand Max, sur qui elle veillera après la déportation de son père Hans (Auguste Diehl). Hans fera la rencontre de Percy (Matthew Rhys), un officier écossais, seul après avoir perdu sa troupe. Ils se lieront d’amitié et voyageront ensemble, le premier à la recherche de son fils, le second dans l’espoir de rejoindre une flotte pour l’Angleterre.
Pour Christian Carion, ce film était une évidence. “Je ne suis pas capable de dater l’envie de faire ce film, dit-il. J’ai toujours trouvé qu’il s’agissait d’un sujet très peu traité dans le cinéma français. Je pense que c’était un moment assez honteux dans l’histoire de France, où tout s’effondre. L’armée et les populations sont abandonnées par les autorités qui, elles-mêmes, chutent. Ce n’est donc pas un sujet mis en valeur dans les livres d’histoire, où on parlera plus de la Résistance et du Débarquement. Ça méritait d’être abordé, pour mettre en lumière ce qu’il s’est passé”.
En préparation du film, le réalisateur a réalisé une série de témoignages. “Je suis beaucoup parti de ce que ma mère m’avait raconté. Ensuite, on a fait une longue enquête. J’ai reçu énormément de documents, tellement qu’on a dû embaucher quelqu’un pour les lire et les classer” , s’étonne-t-il. Il précise avoir réceptionné “des milliers de lettres, photos, enregistrements. Ce qui m’a plus que jamais conforté dans l’idée de réaliser ce film”.
Mais le cinéaste voulait également élargir son point de vue. “Je n’avais pas envie de faire un village français sur les routes, mais mettre en avant d’autres personnages avec d’autres nationalités comme l’Ecossais, qui ne pouvait pas rejoindre Dunkerque comme les autres”.
Le film a été porté par un casting de choix. “Je les ai choisis personnellement, ce sont des gens dont les familles avaient elle-mêmes vécu cette histoire. Tous le gens à l’image apportent quelque chose de particulier au film. Ils sont extrêmement impliqués et se sentaient investis d’incarner la mémoire de leur ancêtres”, précise-t-il.
Christian Carion a aussi choisi de tourner “dans mon pays d’enfance, au sud du Pas de Calais, là où les choses se sont réellement déroulées”. Il s’est également inspiré “d’images de la propagande allemande. On avait ces photos pendant toute la préparation du film. En plus de ça, on a tourné à deux cameras. L’une s’occupait des acteurs en tête du convoi et la deuxième, beaucoup plus petite, était dans le convoi et filmait les gens à leur insu. Je voulais voler des images” .
Parce que la bande sonore est la clé de voûte des films de Christian Carion, il s’est tourné dans un premier temps vers le compositeur français Philippe Rombi, avec qui il a déjà travaillé pour “Joyeux Noël” et “Une Hirondelle a fait le printemps”. Mais celui-ci n’était pas disponible au moment du tournage. Le réalisateur, fan d’Ennio Morricone, a finalement décidé de faire appel à ses services. “On a été complètement fascinés par le résultat. Pour moi ce n’est pas juste un compositeur mais quelqu’un qui fait partie de l’ADN mondial du cinéma. J’ai eu la chance qu’il ait tout de suite aimé le film. Et je suis très très fier de sa bande sonore”.
Le film sort le 9 septembre à New York, puis dans d’autres villes américaines, sous le nom de “Come what May” . Il a déjà reçu quelques récompenses aux États-Unis (Prix du public à Focus on French Cinema, Prix de la critique à Colcoa…). “Les Etats-Unis sont un pays totalement construit sur l’immigration et les flux de population. Peut-être que ce film va raviver ces souvenirs”. Il tournera prochainement un film avec Guillaume Canet, “très different de ce que j’ai fait avant, un thriller sur le thème père-fils”.