A peine passé le pas de la porte, une forte odeur de marijuana parfume l’air ambiant. « C’est vrai ? Moi je ne sens même plus ! » Cela fait sept ans que Kim Geraghty crée des edibles, ces friandises agrémentées de cannabis, sous le nom de « Madame Munchie ». Une marque que l’entrepreneuse de 33 ans porte fièrement sur son tee-shirt, et qui symbolise la rencontre entre les Etats-Unis et la France, « mes deux pays ».
Son produit phare : le macaron. « Je suis née à Boston de parents américains, mais j’ai grandi en France à partir de mes 6 ans. Pour moi, cuisiner le macaron, c’est mettre à l’honneur la culture de ce pays qui m’a éduquée, qui a fait de moi celle que je suis aujourd’hui. Quand je suis revenue aux Etats-Unis, je ressentais le besoin de revendiquer cette identité. »
Dans son atelier de Boyle Heights, on cuisine français mais en anglais. Ses deux employés, Madison et Matt, s’affairent au rythme d’Al Green, passant de la confection de la meringue, au fourrage de la ganache chocolatée au THC, en passant par la cuisson puis la décoration des coques. Mille petits biscuits qui seront vendus par boîte de deux, dans une grosse vingtaine de dispensaires en Californie.
La jeune femme n’a pourtant pas fait ses armes chez les grands chefs français. « J’ai appris à faire des macarons sur Youtube dans ma cuisine ! » Sa spécialité d’alors, c’était la finance. Diplômée de Science Po Paris, la native Américaine revient au pays à 23 ans pour travailler d’abord à Wall Street puis dans un cabinet d’investissement à San Francisco.
« J’ai pris goût à la pâtisserie par hasard, en créant le gâteau pour le remariage de mon père, raconte Kim Geraghty. J’ai eu envie de développer cette créativité chez moi en l’associant à un côté militant, celui de dédiaboliser le cannabis, qui m’avait aidée plus jeune à abandonner un traitement qui ne me convenait pas. Quand on dit weed, les gens pensent tout de suite au dealer à Châtelet-les Halles. Alors qu’un macaron, ça n’est plus mal vu. C’est chic, comme la France, et chill comme la Californie. » Elle en a fait son slogan.
Kim Geraghty a dû néanmoins mettre un peu d’eau dans son vin. Fini les saveurs très frenchy « citrus amande », « caramel au beurre salé » ou « pistache », qui ne plaisait qu’aux Français. « Ce sont des goûts que les Américains ne comprennent pas, ce qui marche, c’est la fusion des deux ». Aujourd’hui, Madame Munchy propose le Cookie monster, mélange gourmand d’oréo et de pépites de chocolat, et le Divorce cake, déclinaison de saveurs vanillées. « Je propose aussi d’autres produits, comme la madeleine ou la pâte à tartiner. Toujours en hommage à la France, ça n’aurait pas de sens pour moi de faire un cookie ou un cupcake. »
Pour autant, la Franco-Américaine n’oublie pas son autre identité. Elle va lancer une autre marque, « Pryde », qui proposera des produits « plus américains », comme des joints prêts à fumer ou des gummies au chocolat. Avec un engagement revendiqué pour la communauté LGBT, qui lui tient particulièrement à cœur. Une énergie sans limites, entretenue au café qu’elle boit dans une tasse au message digne d’un mantra : Dream Big. « Je n’ai pas quitté ma famille, investi toutes mes économies et celles de mes proches, fait tant de sacrifices, pour juste monter un petit commerce qui fonctionne bien, explique-t-elle. Je veux développer mon business, vivre l’American Dream. Faut pas oublier que j’ai grandi en France, mais de parents américains ! »